AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de berni_29


Nous sommes à la fin de 1851, au Caucase, là où la guerre fait rage entre Russes et Tchétchènes. Un homme a juré de venger par le sang les affronts infligés à sa famille : sa bravoure et sa valeur militaire sont légendaires, sa fierté et sa noblesse d'âmes admirées de tous.
À travers ce texte court mais dense par sa dimension d'épopée chevaleresque, Léon Tolstoï va faire de Hadji Mourad, cet intrépide et intelligent guerrier avar, le héros d'une ultime grande oeuvre.
N'étant pas forcément passionné par les faits de guerre, j'ai cependant apprécié le sens du récit développé ici par le grand maître russe, l'écriture acérée, le sens du détail, la lucidité pour dépeindre ce héros courageux, fier et malheureux dans son destin, avec pour toile de fond, un décor géopolitique qui semble à jamais immuable.
Ce récit, que Tolstoï n'a cessé de récrire pour le tendre à la perfection, n'a rien perdu de son actualité : il permet de déchiffrer la cruelle Histoire contemporaine sur un territoire vaste où les enjeux de conquête continuent d'attiser les querelles ancestrales et servir le narratif russe dans toute son horreur hégémonique.
À la faveur des lignes de front qui bougent, des alliances contre nature, Hadji Mourad en vient à se retrouver l'adversaire du Cheikh Schamyl, imam du clan des Avares et principal opposant au Tsar Nicolas.
Pourtant, Hadji Mourad, mu par une haine farouche contre le traitre Schamyl qui tient en otage la famille d'Hadji Mourat, choisit de se rallier aux Russes pour parvenir à ses fins. Mais victime des manoeuvres politiques des hauts fonctionnaires russes et du tsar Nicolas, Hadji Mourad comprend peu à peu qu'il ne peut compter que sur lui-même et sur ses fidèles murides pour sauver les siens, détenus par Schamyl.
Les scènes entre Hadji Mourad et ses fidèles compagnons sont des moments de fraternité qui offrent de belles respirations à ce texte belliqueux.
C'est le coeur rebelle d'un homme à la grandeur d'âme qui sera trahi, sacrifié par le pacte non respecté aux motifs que les enjeux de pouvoir prévalent avant toute chose à la parole donnée.
Les horreurs commises par l'armée tsariste font froid dans le dos, dans des descriptions saisissantes de cruauté, qui laissent penser qu'hier comme aujourd'hui, la terreur a toujours été utilisée par le régime russe dans cette région pour affirmer son pouvoir.
Ce texte dit la fierté des peuples minoritaires qui se sont levés devant les invasions séculaires de l'Empire russe, les massacres, les déportations massives, les exils forcés, la destruction totale des terres annexées sous la terreur et dans le sang.
Ce texte est un magnifique plaidoyer contre les guerres, toutes les guerres. Ici, le tyran est le Tsar Nicolas, comme si chaque génération avait le sien, étrange Hydre de Lerne, dont les têtes coupées n'en finissent jamais de repousser.
J'ai ressenti une très grande tristesse en lisant ce récit. Est-ce à cause des instants intimes où Hadji Mourad croit encore possible de retrouver les siens parmi ses montagnes natales ? Ou bien est-ce à cause de la dimension universelle de l'Histoire qui continue de faucher les vies fragiles, inutilement, dans cette guerre absurde de civilisations ?
Commenter  J’apprécie          5314



Ont apprécié cette critique (53)voir plus




{* *}