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Critique de Zebra


Zebra
22 septembre 2015
A paraître chez Albin Michel le 1er octobre 2015, « Moi et le Diable » (en anglais, Me And The Devil) est un roman écrit par Nick Tosches. Découvert dans le cadre d'une opération privilégiée, cet ouvrage a suscité des réactions très contrastées (de 1 à 5 étoiles) de la part des lecteurs de Babelio qui ont pu profiter de cette opération.

Nick (l'auteur ou le personnage de ce roman ?) est un écrivain vieillissant. Commençant à sentir sa fin approcher, il se met en chasse de jeunes femmes qu'il sait pouvoir impressionner par son raffinement (lequel ?) et par son érudition (bien réelle !). Animé d'une pulsion animale, il attrapera quelques proies et boira leur sang afin de renaitre à la vie.

Les 60 premières pages sont déconcertantes : elles reflètent la construction du personnage. Les chapitres font 2 ou 3 pages maximum et les idées se bousculent, sans fil conducteur. Une logorrhée inconcevable, sans queue ni tête, à mille lieux de la structure classique d'un roman. Un bouillonnement de vie, des tâtonnements et des pulsions dont l'issue reste incertaine. Puis, très lentement, les choses se mettent en place. Nick est dans son trip. Il a depuis longtemps constaté la futilité de la vie et, malgré sa vie de buveur et d'amant, il reste las, désabusé et obsédé par la crainte de sa mort. le sang de ses victimes, des âmes égarées, représente pour lui une nourriture, une boisson et une délivrance : un avant-gout de l'illimité (page 30). En elles, il voit des déesses dont il boit l'ichor qui donne la vie, la jeunesse et la joie (page 64). En s'abreuvant ainsi aux cuisses de ces jeunes femmes, Nick cherche aussi une communion avec elles et une transsubstantiation, car « le sang apporte la rédemption » et lui « donne l'impression d'être plus près de la beauté et de la force vitale » (page 155). « Le Dieu qui est en lui peut ainsi se manifester : des courants propices le traversent et sa perception est nouvellement aiguisée, avec une sensation neuve de brutalité intensifiée » : bigre, voici un jargon que ne renieraient pas certaines sectes américaines ! La violence et les scènes de SM se succèdent, à profusion : no limit, le sexe et le sang étant comme une idée fixe, obsessionnelle et compulsive. Réalité, fantasmes et addictions en tous genres. Dans son brouillard intérieur, Nick distingue un monde qu'il exècre : il veut fuir ces « esclaves blancs aux ignobles carrières d'indolence lucrative qui servent les maîtres de la finance, les ménagères de 50 ans, les gosses qui chient, les chiens qui jappent, les joggeurs et les joggeuses, la perfidie judéo-chrétienne, le bio ... ». Cette démangeaison et ce délire font penser à American Psycho : de la folie furieuse. D'ailleurs, Nick Tosches n'écrit-il pas « Notre esprit est la matrice dont les démons cherchent à fuir, cette fuite que nous leur interdisons » ?

Alors, qu'en penser ? Vous avez entre les mains un ouvrage atypique, halluciné et sanglant, pour le moins étrange et déroutant. Au-delà d'une histoire de vampire, crue, violente, et supposée originale -sur fond de recherche de l'immortalité-, vous avez probablement entre les mains le pur produit d'une frustration, celle de l'auteur ou de son personnage : des parents décédés (ou suicidés ?), un inceste (commis par qui ?), un long abandon affectif, un physique moyennement attirant, des fantasmes sexuels, un monde extérieur qui va trop vite, le vieillissement inéluctable du corps et de l'esprit, la drogue et l'alcool comme refuges illusoires, le tout enrobé dans l'emballage cadeau d'un propos scientologique offert par une des supérettes de Manhattan. le style est particulier. L'écriture des scènes de sexe est singulière. Auto-fiction ? Allez savoir ! Cette renaissance de Nick dans la douleur vous laissera perplexe ou vous révoltera par sa niaiserie, sa noirceur ou sa violence gratuite.

Heureusement, il y a la gastronomie italienne et de magnifiques descriptions culinaires. Alors, je remercie Babelio et les éditions Albin Michel pour cette découverte et je mets deux étoiles.
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