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Critique de ninamarijo


Quinze récits composent cette oeuvre, ils ont pour point commun la chasse dans les districts d'Orel et de Kalouga au nord de Petersburg.
Tourgueniev décrit la Société russe dans la campagne du XIX siècle alors que le servage n'est pas encore aboli. Il nous fait découvrir une vie rude et prend pour prétexte des scènes de chasse pour dénoncer les travers de la société et les conditions de vie.
Un chasseur, dénommé « batiouchka » traduisez « petit père » bat la campagne en quête de territoires de chasse et d'auberges pour passer la nuit. Ainsi, il ouvre la porte sur les conditions rudes des paysans dans une société très hiérarchisée. Dans ces coins retirés les croyances aux légendes sont vivaces, elles entretiennent les conversations et engendrent les frayeurs.
Tourgueniev est un portraitiste à nul autre pareil sous sa plume acérée s'animent les portraits très réalistes et cocasses et savoureux, des moujiks, des barines et leurs « dvorovi » (serfs) ou encore les « pomiéstchiks », propriétaires terriens et autres petits bourgeois citadins… à lire, c'est fin et savoureux et la société russe est bien écornée. Rappelons que ces textes ont été à l'origine de l'abolition du servage et lui ont valu sa notoriété.
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Aller à la chasse avec Tourgueniev c'est découvrir une nature vierge et généreuse où les grives, les perdrix, les coqs de bruyères, les bécasses et bécassines volent à profusion dans ces forêts. Tourgueniev nous présente la « tiaga » où la passée en France (interdite), la description est grandiose on sent l'amoureux de la nature : « Un quart d'heure avant le coucher du soleil, au printemps, vous entrez dans le bois sans amener aucun chien ; vous choisissez un endroit quelconque près d'une lisière, vous observez bien la position, vous examinez la capsule de votre arme, vous échangez un regard avec votre compagnon de chasse... le quart d'heure est passé, le dernier rayon de soleil a disparu, mais il fait encore clair dans le bois ; l'atmosphère est lucide et transparente, les oiseaux gazouillent, les jeunes herbes brillent d'un joyeux éclat 35 d'émeraude... Vous attendez... le fond de la forêt s'obscurcit peu à peu ; les lueurs vermeilles du soir glissent lentement le long des racines saillantes, puis sur le tronc des arbres et s'élèvent de plus en plus, montant, des branches inférieures presque dénudées, aux cimes touffues et endormies... Les dernières feuilles sont dans l'obscurité ; le ciel pourpré bleuit ; la senteur des bois devient plus âcre ; une humidité chaude s'exhale de partout ; un doux zéphyr respire autour de vous... Les oiseaux s'endorment, non tous en même temps, mais successivement, espèce par espèce, d'abord les pinsons, puis les fauvettes, et puis les ortolans... Dans les bois, il fait de plus en plus sombre ; les arbres se confondent en une grande masse noire ; au ciel bleu apparaissent timidement les premières étoiles. ... Tous les oiseaux dorment ; il n'y a que les rouges-queues et les petites épeiches qui sifflent encore, mais tout en sommeillant... Voilà qu'eux-mêmes se taisent... Une dernière fois a retenti sur votre tête la petite voix sonore du pouillot ; à distance, on ne saurait dire où le loriot a exhalé son cri mélancolique. Votre coeur palpite, et tout à coup – mais seuls les chasseurs me comprendront – dans un silence profond retentit un croassement, un sifflement particulier, un battement régulier d'ailes agiles, et la grosse bécasse se jette au-devant de votre canon.
Voilà ce qu'on appelle « se poster en tiaga ». »
Désolée pour ceux qui n'aiment pas la chasse mais la performance est littéraire, c'est un très bel hommage à la beauté de la nature.
J'ai aimé la traduction qui conserve toute la « russité » du récit. C'est un très bon moment de lecture.
J'ai lu quelque part cette phrase que je vous livre elle oriente vers la prochaine lecture : « Suis-je capable de quelque chose de grand et de calme ? Réussirai-je une oeuvre aux lignes claires et simples ? » Après le triomphe des « Les Récits d'un chasseur », telle est la question que se posait Tourgueniev. La réponse viendra trois ans plus tard avec Roudine.

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