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Critique de kielosa


"L'idée d'une tombe sans nom me déplaît" déclare le héros dans le film "L'homme sans passé" d'Aki Kaurismäki.
C'est exactement ce que Sandrine Treiner a réussi à faire avec cet opus : sauver son héroïne, Manya Schwartzman, de l'oubli !

Un récit "À la recherche de..." tout à fait captivant, instructif et de très haut niveau littéraire. Que l'auteure soit directrice de "France Culture" n'a rien de surprenant. Les 160 pages de cette oeuvre se lisent comme un suspense, bien que plein de notions historiques, géographiques et politiques peu évidentes, mais présentées de façon magistrale. Si vous commencez à lire, je peux vous assurer que vous ne feriez rien d'autre que de suivre - même avec impatience - la quête de Sandrine Treiner d'une jeune héroïne révolutionnaire, victime des purges staliniennes. Une de ces nombreuses victimes condamnée à la mort et ...à l'oubli !

J'entends ne pas faire de résumé de cet ouvrage du tout, parce que j'estime que tout résumé est susceptible de causer dommage à la construction spécifique et le rythme même de cette oeuvre ou, en d'autres termes, à la quête de l'auteure. En revanche, je m'arrête un instant sur cette partie du globe mal connu chez nous et dont il est très rare de lire des informations dans la presse.

La Moldavie, dont est originaire Manya Schwartzman, est l'État le plus pauvre d'Europe. du temps de l'URSS, appelée la Bessarabie avec comme capitale Kichinev, aujourd'hui divisé entre l'État Moldave avec capitale Chisinau et la Transnistrie avec comme capitale Tiraspol. La Transnistrie avec une superficie d'un 10ème du territoire helvétique et une population d'un demi-million d'habitants est une aberration, qu'aucun État du monde n'a officiellement reconnue. Même Poutine semble avoir oublié une reconnaissance "de jure", bien que les Russes y jouent un rôle de premier plan, ne fût-ce que pour y organiser le trafic d'armes stratégiques. La distance du grand port ukrainien sur la Mer Noire, Odessa, à Chisinau est de seulement 154 km et à Tiraspol à peine 105. Mon épouse m'apprend que du temps du communisme, les Odessites se rendaient a Kichinev pour y acheter des vêtements, qui étaient de qualité supérieure à la production vestimentaire soviétique et des classiques de la littérature russe, moins chers et mieux imprimés. Maintenant, ce sont les Moldaves et Transnistriens qui viennent vendre à Odessa leurs produits, les taxes d'entrée prélevées à la frontière rendent le déplacement des Ukrainiens dans ces pays sans intérêt.

Kichinev a connu une forte concentration de Juifs, mais aussi plusieurs pogroms, même sous le dernier des tsars, Nicholas Ii, en 1903 et 1905. Les horribles pogroms contre une minorité sans défense se passaient quasiment toujours selon le même scénario : l'accusation fantaisiste que les Juifs avaient tué un innocent petit bambin non juif pour utiliser son sang dans la fabrication de pain azyme. Meurtre rituel qui permettait toutes sortes de déboires au bon peuple scandalisé : tuer des vieillards et bébés, vider shops et maisons avant d'y mettre le feu, et tout cela sous les yeux des flics et soldats très occupés à.... regarder ! Ce n'est que lorsqu'un président comme Theodore Roosevelt protesta auprès de Nicholas Ii que des ordres furent donnés d'arrêter ces festivités populaires !

Quai de plus naturel qu'une jeune fille juive courageuse, comme Manya Schwartzman, aille tenter ses chances sous d'autres horizons !

Je ne donne en principe pas d'étoiles aux livres que je critique, parce que je trouve que ce système a quelque chose de foncièrement artificiel et déplaisant pour leurs auteurs. Cette fois-ci cependant je ferai exception en accordant au court ouvrage de Sandrine Treiner allègrement et avec conviction le max : 5 étoiles !
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