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Critique de Godefroid


Twenty-Mile est le nom d'une petite ville minière, très certainement au bout de son déclin. Coincée à flanc de montagne au milieu du chemin de fer en cul de sac qui relie l'agglomération de Destiny à la mine d'argent du filon surprise, elle compte tout au plus une quinzaine d'habitants. Qui se morfondent toute la semaine en attendant que les mineurs redescendent pour un week end de frasques débordantes d'alcool et de sexe. Ce rythme immuable va être perturbé par la conjonction de trois événements : d'abord l'arrivée d'un jeune homme étrangement franc et serviable, armé d'une énorme pétoire antédiluvienne ; puis celle d'un terrible psychopathe juste évadé de prison en compagnie de deux tarés à peine humains ; enfin le déchainement des éléments naturels, qui viendra modifier pour toujours la géographie de l'endroit.

Rien ne prépare à ce que l'on va lire. Pas cette quatrième de couverture étrangement fade, qui s'achève sur un gentil slogan d'une banalité peu engageante, issu d'une critique de Newsweek. Et même une fois dedans, la mesure du chef d'oeuvre que l'on a dans les mains n'apparaît pas tout de suite. Twenty-Mile est plein de choses à la fois : un drame humain hors norme ; un western crépusculaire et paroxystique ; une collection de personnages formidables, magnétiques, qui vous habitent encore des mois après avoir refermé le livre ; pour nous, français, une métaphore de l'Occupation, avec ses collaborateurs plus ou moins lâches et ses résistants de l'ombre ; à la fin, une mise en perspective vertigineuse, que je ne révèlerai pas, qui fait s'interroger sur le degré de manipulation prémédité par l'auteur ; et puis, en guise de scène finale, une promenade dans un cimetière qui vous étreint le coeur avec une intensité rare.

Twenty-Mile, c'est l'histoire d'un petit fils d'immigré serbe qui, à 17 ans, s'enfuit de chez lui après avoir assisté au tabassage à mort de sa mère par son père imprégné de whisky. C'est l'histoire d'un p'tit gars qui rêve d'être un justicier de l'ouest, tout comme Ringo Kid, ce héros de roman à deux sous prompt à sauver les femmes, les enfants et les faibles des griffes des prédateurs sans morale. C'est l'histoire d'un enfant trop sensible catapulté dans le monde des adultes de la façon la plus épouvantable qui soit. Un p'tit gars qui a trouvé, pour échapper à la violence extrême des hommes, un Autre Endroit où rien ni personne ne peut l'atteindre. On ne l'oubliera pas de sitôt, Matthew Dubcheck.

On imagine le film magnifique et écrasant que les frères Coen pourraient tirer d'une pareille matière... avec, au générique, le poignant Blue Mountain (1964) de Michael Hurley.

Traduction parfaite de Jacques Mailhos, qui se fait instantanément oublier.
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