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Critique de umezzu


umezzu
21 décembre 2022
Les sentiers obscurs de Karachi est un bon exemple de roman bancal, promettant beaucoup, et offrant finalement autre chose.

Le 8 mai 2022, quatorze personnes mourraient dans un attentat à la bombe contre un bus de civils : 11 ingénieurs de la DCN (Direction des Constructions Navales, le successeur des arsenaux de la République) et des Pakistanais, présents au mauvais endroit au mauvais moment. Ce drame est encore aujourd'hui vécu dans les souvenirs des familles de ceux qui ne sont pas revenus, dans les incompréhensions des enfants des victimes qui n'ont pas ou peu connu leur père. Une cérémonie annuelle organisée à Cherbourg, là où les plans des sous-marins vendus au Pakistan ont été conçus, ravive la douleur de ces proches et de ceux que cet événement a marqué.

Ce roman est la face pakistanaise d'un attentat qui n'est plus aujourd'hui dans les médias nationaux qu'un événement au sein d'un scandale plus large : l'affaire de Karachi, ou quand l'arrêt du versement de rétro-commissions par le gouvernement français aurait entraîné des représailles pakistanaises.

La vérité n'a jamais été vraiment connue – a t-elle d'ailleurs été vraiment cherchée ? L'idée globale qui en ressort aujourd'hui étant que la décision du président Chirac de ne pas honorer le paiement de ces « faux frais », liés à un contrat signé à la va-vite avant la présidentielle de 1995 par le gouvernement Balladur, aurait conduit indirectement à cet attentat.

Ce n'est pas ce qui intéresse Olivier Truc. Et d'ailleurs, pendant presque cent pages, on ne comprend pas où l'auteur veut en venir. Il multiplie les allers-retours entre présent et passé, met en scène des personnages sans les placer dans un ensemble. Ce début est un tel embrouillamini qu'il n'a pas été loin de m'arrêter.

Le personnage principal, le journaliste cherbourgeois Jef Kerral, s'est passionné pour cette histoire au travers de discussions avec le père d'un copain, le morose Marc Dacian, sorti blessé du bus déchiqueté. Une partie de ses pensées est restée là-bas à Karachi, avec son ami l'officier marinier Shaheen.

Le récit ne décolle véritablement qu'avec Karachi, les bruits de la foule, les rickshaws, les bazars, les regards qui se détournent au passage des femmes, l'omniprésence de l'armée, et celle plus discrète de l'ISI, les services secrets. C'est cet environnement que Jef Kerral découvre en partant à la recherche de Shaheen. Qu'est-il devenu ? Pourquoi se cache t-il aujourd'hui ?

Pour le contacter, le journaliste passe par une femme officier médical de la marine pakistanaise, Sara Zafar, et son père, Firaq, ancien ami de Shaheen, désormais médecin d'un dispensaire dans un village de pêcheurs pauvres, des zikri, stigmatisés car adeptes d'une secte islamique violemment combattue par les fondamentalistes sunnites.

Les méandres du récit du pays des « hommes purs » constituent le coeur de l'ouvrage, que l'auteur parsème de vers de poésie en ourdou.

Toute la partie liée à la découverte du pays et de ses difficultés, est ce qu'il y a de meilleur dans ce livre. Les morts violentes, les dizaines de morts à chaque attentat, les disputes tribales, ne sont pas rapportés chez nous, selon la loi journalistique du mort-kilomètre : les glissades sur le verglas en France intéressent plus que des morts à des milliers de kilomètres.

La partie liée à l'attirance entre Jef et la jeune et belle officier Sara est, elle, assez convenue.

Le roman est donc inégal, parfois intense, parfois quelconque. Il a toutefois le grand mérite de rappeler qu'au delà d'une affaire de gros sous, de corruption ici et là-bas au Pakistan, il y a eu des victimes qui se contentaient de faire leur travail pour l'État français.
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