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Critique de BENE2312


Après deux ouvrages autobiographiques très réussis, Marcelino Truong nous offre un nouveau roman graphique, copieux (près de 300 pages) et somptueux (dessins en bichromie ou en couleurs pour les pleines pages ou double pages). Il y est de nouveau question du Vietnam ou plutôt de l'Indochine, puisque l'action se passe à en 1954, à la veille de la bataille de Dien bien Phu. Mais, cette fois, il s'agit d'une fiction ou plutôt -comme disent les anglo-saxons- d'une « fact-ion » tant le récit s'appuie sur des éléments historiques avérés.
C'est donc l'histoire d'un jeune peintre de Hanoï, issu d'un milieu bourgeois, qui se trouve malgré lui enrôlé dans l'armée Vietminh, plus précisément dans une « unité de propagande armée », ce qui explique le titre un peu mystérieux du livre. « 40 Hommes et 12 Fusils » fait en effet référence à la composition de ces unités de propagande itinérantes qui regroupaient des artistes –hommes et femmes de toute profession (peintres, graveurs, comédiens…)- et leur escorte d'une douzaine d'hommes armés, chargés d'assurer leur protection mais aussi parfois de liquider discrètement les opposants ou les tièdes…
A travers les tribulations de ce jeune homme, Marcelino Truong nous fait percevoir avec subtilité et didactisme toute la complexité d'un conflit qui n'opposait pas simplement de méchants colonialistes à un peuple opprimé aspirant à son émancipation et à la justice sociale, comme a voulu le faire croire la propagande des « pays frères » communistes, trop facilement acceptée et relayée par la gauche bien-pensante et une grande partie de la jeunesse occidentale dans les années 50 à 70. Cette guerre était surtout un épiphénomène douloureux de la confrontation des blocs occidentaux et russo-chinois, et aussi une guerre civile dans laquelle s'opposait deux visions du Vietnam post-colonial celle du Vietminh communiste largement inféodé à la Chine et celle des nationalistes libéraux pro-occidentaux, qui -pour leur malheur- n'ont jamais vu émerger de dirigeants à la hauteur de leur cause et susceptibles de concurrencer l'image rassurante du charismatique «Oncle Hô ».
Marcelino Truong apporte enfin un peu d'équilibre dans une vision trop longtemps simpliste et manichéenne de l'histoire. L'auteur sait de quoi il parle : sa famille a elle-même été divisée entre ces deux factions et, au-delà de son histoire personnelle, il s'est abondamment documenté sur le conflit vietnamien, à travers les archives et les témoignages directs qu'il a recueillis.
Ce n'est cependant pas un rébarbatif cours de géopolitique que l'auteur nous assène. Il nous livre au contraire un beau récit d'aventure, humaniste, bâti sur un scénario solide et crédible (ce qui est trop rarement le cas hélas en BD), ponctué de belles images (les gracieuses jeunes femmes des ethnies montagnardes, les paysages magnifiques qui évitent soigneusement cependant la « carte postale ») et marqué par un grand soin du détail (des équipements aux affiches de propagande en toile de fond) qui renforce encore le réalisme du récit. On ne s'ennuie donc pas un seul instant, bien au contraire : au bout de 300 pages on en redemanderait ! Mais ce qui suit historiquement est une autre histoire, que l'auteur a déjà en partie narré de façon plus personnelle dans « Une Si Jolie Petite Guerre ».
Encore une fois bravo à Marcelino Truong scénariste, dessinateur, coloriste et historien, pour cette oeuvre riche et généreuse !
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