— C’est bon, c’est bon, je vais faire la photo comme ça.
Tharlo se redressa comme ceux qui l’avaient précédé et se prépara à esquisser un sourire.
Mais, après avoir gesticulé un moment avec son appareil puis tapoté les cheveux ébouriffés de Tharlo, Dekyi finit par lui dire : « Je te propose d’aller d’abord te faire laver les cheveux, tu es trop mal peigné, tu ne seras pas bien sur la photo.
— Tant pis si je suis mal peigné, répondit Tharlo, prends la photo, je ne suis pas si difficile. » Dekyi lui répliqua en toute franchise : « Une carte d’identité, on la garde toute la vie, alors c’est
pas mieux d’avoir une jolie photo dessus ? » Tharlo fixa Dekyi en silence.
Celle-ci lui montra un salon de coiffure qui était
juste de l’autre côté de la rue et lui dit : « Va vite te faire laver les cheveux, c’est une très bonne amie qui vient d’ouvrir ce salon. »
Tharlo dut s’y résoudre et sortit du studio.
Tharlo portait une petite natte sur la nuque, une petite natte toujours en mouvement qui ne passait pas inaperçue.
Au fil du temps, les gens ne l’appelèrent plus que par ce surnom, « Petite-Natte », et finirent par en oublier son véritable nom.
Au début de l’année, le chef du commissariat du canton vint au village pour enregistrer les changements intervenus dans la population ; il convoqua une réunion de tous les habitants et appela «Tharlo » un bon bout de temps.
Comme personne ne répondait, il demanda au chef de village : « Il n’y a personne dans votre village qui s’appelle Tharlo ? »
Le chef de village réfléchit un moment avant de répondre : « Il me semble qu’il n’y a personne ici qui porte ce nom. »
Il me semble que la vie idéale est toujours ailleurs.
Dans notre région, il y a en effet une croyance populaire selon laquelle, sur les toits, règne un esprit protecteur des dents de lait ; si on lui récite une sorte d'incantation, on aura de belles dents en grandissant.
Les hommes sont tous mortels, mais la mort de certains a plus de poids que le mont Tai, la mort des autres en a moins qu'une plume d'oie sauvage.
« On est étudiants en Chine intérieure et on est de passage ici. Tu as un look assez spécial, tu es un artiste ? ».
Tout en continuant de fumer, Tharlo le regarda d'un air très sérieux mais complètement ahuri, comme s'il ne comprenait rien de ce que l'autre disait.
« A voir son regard, intervint un second, c'est certainement un artiste très profond. »
Tharlo ne comprenait toujours pas ce qu'ils voulaient dire ; quand il eut terminé sa cigarette, il jeta le mégot par terre et l'écrasa ; c'est seulement alors qu'il leur dit : « En fait, je suis berger. »
Un troisième s'exclama : « Vous avez entendu ? C'est très profond ce qu'il dit. C'est un artiste, c'est sûr. »
Mais cet homme lui répliqua en lui serrant la main très fort : "Je ne pleure pas parce que j'ai rompu mes voeux, mais parce que je découvre si tard un sentiment aussi merveilleux. Tu m'as fait resdentir l'une des grandes beautés de l'existence, ce n'est pas l'enfer que tu mérites mais le paradis. Tu es extraordinaire, j'aurais mille fois préféré te rencontrer plus tôt."
Les infinies ténèbres de la nuit recouvraient montagnes, vallées, tentes et troupeaux, transformant ce lieu en un espace immatériel.
Dans notre région, il y en effet la croyance populaire selon laquelle, sur les toits, règne un esprit protecteur des dents de lait ; si on lui récite une sorte d’incantation, on aura de belles dents en grandissant.
Sous le regard d’Ugyän et de son père, j’ai donc brandi la dent enveloppée de laine et en prononçant deux fois la formule magique : « Je t’envoie cette horrible dent de chien, donne-m’en une d’ivoire toute blanche. Je t’envoie cette horrible dent de chien, donne-m’en une d’ivoire toute blanche. »
Puis j’ai lancé en l’air et la dent et la laine, et rien n’ai retombé. (tiré de la nouvelle : Les dents d’Ugyän)