Le dictionnaire de ma vie

Il faisait partie de ceux qui clamaient : « T’inquiète pas, je ne deviendrai jamais dépendant. Je gère. » Tu parles ! Aller voir mes proches dans leur centre de désintoxication était une épreuve terrible pour moi. Le manque, la solitude, la folie, le chagrin et le désespoir de leur entourage étaient insoutenables.

La prise de drogue, surtout si l’on ignore qu’on en a absorbé, débloque violemment des émotions négatives qui seraient, en temps normal, régulées par notre conscience. La chimie subtile du cerveau qui nous protège et contrôle nos émotions ne peut plus fonctionner. Du jour au lendemain, ma vie s’en est trouvée bouleversée : j’ai souffert de vertiges et de pertes d’équilibre, j’avais régulièrement l’impression d’être séparée de mon corps… Flippant ! Je suis devenue claustrophobe et j’ai mis des années à pouvoir prendre l’ascenseur ou à remonter dans un avion. Quarante ans plus tard, je suis toujours incapable de me déplacer en métro !

J’aime beaucoup la réponse de Gérard Lanvin : « Si Coluche était encore là, le monde d’aujourd’hui ne serait pas le même. » Il est vrai que les politiciens le craignaient et que les gens l’écoutaient. Coluche, cet homme qui a tellement influencé ma vie.

Évidemment, je suis tombée amoureuse de Coluche, mais j’ai compris qu’il n’était pas question pour lui de quitter sa femme ; quant à moi, j’étais incapable de vivre une relation cachée. J’ai coupé les ponts. Plus tard, après son divorce, un ami commun m’a appelée pour me dire que Coluche voulait me revoir. J’étais libre, lui aussi : j’y suis allée. Il habitait à l’hôtel Lutetia à ce moment-là. Mais quand je l’ai revu j’ai tout de suite compris qu’il n’était plus le même. La douleur l’avait transformé, l’angoisse et le désarroi le rendaient difficile. Il pouvait être très désagréable aussi. Quelque chose en lui s’était éteint. Et puis, il y avait trop de drogue et d’alcool autour de lui. J’aurais bien aimé conserver le manuscrit de La fin du monde aura lieu un mardi , mais après tous mes déménagements je crois l’avoir définitivement égaré. Coluche l’avait écrit à la main sur un cahier d’écolier où j’avais collé des bouts de texte, des idées… Son écriture était extraordinaire car tous les mots étaient attachés, presque en phonétique. Il se moquait des conventions, des convenances, du jugement des autres et j’adorais cet aspect de sa personnalité. Quand les premiers textos sont apparus, j’ai repensé tout de suite à ce cahier et à l’écriture si originale de Coluche. Une écriture rapide sans point ni virgule, sans lettre muette, où les mots étaient attachés les uns aux autres. Il y avait chez lui une urgence d’aller à l’essentiel, de dire, de vivre : « urgensdedirdevivr ».

Coluche venait régulièrement nous voir au Café de la Gare. Nous étions très séduits l’un par l’autre mais nous étions tous les deux mariés et il était de surcroît père de deux jeunes enfants. Même si notre attirance était réciproque, nous n’étions pas prêts à bouleverser nos vies.

Jessica était la maîtresse de mon père, la femme pour laquelle il avait abandonné sa famille et avec laquelle il vivait depuis. Je la haïssais plus que tout au monde et voilà que la vie me fait rencontrer son frère, qui se révèle d’une gentillesse incroyable à mon égard. Grâce à ma pire ennemie, je bénéficie d’un formidable coup de pouce ! La morale de cette histoire ? J’y vois le signe que le destin n’est jamais à court d’imagination et qu’il suffit parfois d’ouvrir une porte pour que le pire devienne le meilleur.

Nous n’avions pas les moyens de payer un attaché de presse et la troupe m’avait désignée pour remplir cette mission. On a tout de suite pensé à Coluche, qui avait débuté comme nous dans un café-théâtre, et j’espérais qu’il allait nous donner un coup de pouce. C’était déjà une grande vedette à l’époque. Il avait fait un tabac au cinéma dans les comédies de Claude Zidi, il venait de réaliser son long-métrage Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine, et son spectacle affichait complet dans toute la France.

Beaucoup de femmes rêveraient de poser pour la une d’un magazine féminin. Pour ma part, si Triangle me demande de faire la couverture de son catalogue, je ne suis pas sûre de résister !

J’étais imbattable sur les styles et les époques, du Moyen Âge au XIXe siècle, et cela m’éclatait d’aller récupérer les vieux rideaux chez les parents pour en faire des tuniques, des robes de princesses ou des poulaines.
Par manque de temps, je ne couds plus mes vêtements, excepté une robe en dentelle dont j’avais envie pour le mariage de ma fille Clara et une autre pour le festival de Cannes. Aujourd’hui c’est tellement facile de s’habiller rock, sexy, gothique, western, péruvien, classique, baba cool…

À l’époque, dans les années 1970, on adorait les formes géométriques, la fourrure orange et marron, le plastique fluo, et ma chambre était une caricature de la déco à la mode. Je me souviens avoir créé devant mon lit une sorte d’alcôve en bois trouée d’un grand cercle par lequel on rentrait à quatre pattes directement sur le matelas : mes potes étaient bluffés !