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Critique de cecilestmartin


Je ne connaissais ni le roman, ni l'auteur mais, les jours passant, je devais absolument lire un livre dont le nom de l'auteur commençait par U pour achever le challenge ABC de cette année !
Ayant beaucoup aimé le film le destin miraculeux d'Edgar Mint, j'empruntais à la bibliothèque le polygame solitaire.

Dès les premières pages, je sus que ça allait être un énorme coup de coeur ! Golden Richards, mormon polygame, est un personnage complexe, attachant, pudique, sensible, complètement dépassé par un coup de foudre, lui qui a déjà 4 épouses et 28 enfants.

La description de ce mode de vie, des relations intra-familiales est extraordinaire et on se laisse presqu'aller à comprendre les motivations de ces mormons restés attachés à la famille plurale, en dehors de toute légalité. On suit particulièrement, parmi tous les membres de cette immense famille, Trish, épouse numéro 4, à la maternité douloureuse qui a perdu deux enfants, éprise de Golden qu'elle doit partager, souffrant d'une solitude immense malgré la présence de ses soeurs-épouses.

Il y a Rusty, une dizaine d'années, surnommé le « terroriste de la famille », fils de la 3ème épouse, qui ne trouve pas sa place au sein de la fratrie et le manifeste par des comportements drôles mais inadaptés. L'enfant, rejeté par tous, trouve un peu de réconfort auprès de Trish et de son nouvel ami, June. Udall évoque avec beaucoup de talent les émois de l'enfant, son besoin de reconnaissance et d'attention ainsi que les pulsions vengeresses qui l'animent à l'égard de ses proches.


Comment peut-on être polygame, à la tête d'une si grande famille, et solitaire à la fois ? C'est bien la thématique du roman : chacun doit gérer ses frustrations, mettre en sommeil son individualité, ses désirs et attentes au profit du collectif qui toujours supplante la personne. Golden est écrasé par le poids des responsabilités : il doit subvenir aux besoins de sa famille plurale, contenter chacune de ses épouses, être un père attentionné pour ses enfants dont il se répète en litanie les prénoms quand il doit s'armer de courage. Jusqu'à la rencontre avec Houila, qui chamboule tout, qui l'amène à reconsidérer ses choix, à devoir arbitrer entre ses désirs individuels et la communauté - sa communauté.

Au coeur du roman, à la moitié, le récit de la mort de Glory, une des filles de Golden. de l'évitement initial lié aux malformations et troubles du développement de l'enfant, puis quand Beverly lui impose en douceur d'assumer l'accompagnement des soins, au déploiement d'une relation précieuse, de qualité avec la fillette très déficiente qu'il se prend à aimer peut-être plus ou mieux que les 27 autres. Magnifique passage de l'évocation du chagrin inconsolable d'un père, des manifestations de sa culpabilité insurmontable.

J'ai dévoré ces 700 pages dans lesquelles l'auteur excelle par les dialogues, les descriptions, les intitulés de chapitres à maintenir une vigilance chez ses lecteurs, à questionner leurs valeurs et leurs croyances. La polygamie ? Quelle horreur ! Et pourtant, ici, malgré les impasses (les enfants ne sont que des numéros, ils aspirent à avoir leur fête d'anniversaire, leurs vêtements, l'attention de leurs parents ; les épouses se languissent à attendre les faveurs de leur époux, leur tour pour bénéficier d'un peu d'affection …) ; les frustrations et souffrances de chacun des membres, le projet social est plutôt intéressant, pas si patriarcal au final : c'est bien Beverly, 1ère épouse, qui fixe les règles…

Je sors émue et enthousiaste de la lecture de ce roman ! Parce que la structure familiale décrite est éloignée de la nôtre, l'auteur vient interroger avec acuité nos certitudes, notre vision des relations conjugales, filiales. Avec beaucoup de délicatesse, de tendresse pour ces personnages Brady Udall nous entraîne dans une histoire rare et précieuse. Un grand roman, à ne pas louper.

Challenge MULTI-DÉFIS 2021
Challenge ABC 2020-2021

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