Toujours
D’une fleur cueillie à l’autre offerte
l’inexprimable rien
UNGÀ
12 SEPTEMBRE 1966
Tu es apparue à la porte
Vêtue de rouge
Pour me dire que tu es feu
Qui consume et renflamme.
Une épine m’a piqué
De l’une de tes roses rouges
Pour que tu suces à mon doigt
Un sang déjà presque tien.
Nous avons suivi la rue
Que lacère la verdeur
De la colline sauvage
Mais depuis longtemps je savais
Que de qui souffre avec foi téméraire
L’âge pour vaincre ne compte.
On était un lundi,
Pour nous prendre les mains
Et nous parler heureux
Il ne fut d’autre refuge
Que ce triste jardin
De la ville convulsée.
SOLDATS
Bois de Courton juillet 1918
On est comme
en automne
sur les arbres
les feuilles.
SOLDATI
Bosco di Courton luglio 1918
Si sta come
d’autunno
sugli alberi
le foglie.
SEREIN
Bois de Courton juillet 1918
Après tant de
brume
une
à une
les étoiles
se révèlent
Je respire
le frais
que me laisse
la couleur du ciel
Je me reconnais
image
passagère
Prise dans un cours
immortel
SERENO
Bosco di Courton luglio 1918
Dopo tanta
nebbia
a una
a una
si svelano
le stelle
Respiro
il fresco
che mi lascia
il colore del cielo
Mi riconosco
immagine
passeggera
Presa in un giro
immortale
Fa dolce e forse qui vicino passi
Dicendo : « questo sole e tanto spazio
Ti calmino. Nel puro vento udire
Puoi il tempo camminare e la mia voce.
Ho in me raccolto a poco a poco e chiuso
Lo slancio muto della tua speranza,
Sono per te l’aurora e intatto giorno.
Il fait doux et peut-être que tu passes par ici
En disant : Que ce soleil et tant d’espace
T’apaisent. Dans le vent pur tu peux
Entendre le temps en marche avec ma voix.
J’ai peu à peu recueilli et je porte
L’élan muet de ton espérance
Je suis pour toi l’aurore le jour entier.
Hanno l’impercettibile sussurro,
Non fanno piu rumore
Del crescere dell’erba
Lieta dove non passa l’uomo.
Ils ont le chuchotement imperceptible
Ils ne font pas plus de bruit
Que l’herbe qui pousse
Heureuse là où l’homme n’est pas.
Ennui
Cette nuit elle aussi passera
Cette solitude tout autour
ombre titubante des fils de tramways
sur l’asphalte humide
Je regarde les têtes des cochers
qui dans le demi-sommeil
vacillent
IN MEMORIAM, PAR GIUSEPPE UNGARETTI.
Il s’appelait
Mohammed Scheab
Descendant
d’émirs de nomades
suicide
parce qu’il n’avait plus
de Patrie
Il aima la France
et il changea de prénom
Il fut Marcel
mais n’était pas français
il ne savait plus
vivre
dans la tente des siens
où l’on écoute la cantilène
du Coran
en savourant un café
Et il ne savait pas
délier
le chant
de son abandon
Je l’ai accompagné
avec la maîtresse de l’hôtel
où nous habitions
à Paris
du numéro 5 de la rue des Carmes
allée flétrie et en pente
Il repose
au cimetière d’Ivry
faubourg qui ressemble
toujours
en un jour
d’une
foire décomposée
Et peut-être moi seul
sais encore
qu’il a vécu
Locvizza, le 30 septembre 1916.
Soldats
Bois de Courton juillet 1918
On est comme
en automne
sur les arbres
les feuilles.
(Traduit de l’italien par Olivier Favier)
PRÉ
Villa di Garda avril 1918
La terre
s’est voilée
de tendre
légèreté
Comme une jeune
mariée
offre
stupéfaite
à sa créature
la pudeur
souriante
de mère
PRATO
Villa di Garda aprile 1918
La terra
s’è velata
di tenera
leggerezza
Come une sposa
novella
offre
allibita
alla sua creatura
il pudore
sorridente
di madre
GIROVAGO
Campo di Mailly maggio 1918
In nessuna
Parte
Di terra
Mi posso
Accasare
A ogni
Nuovo
Clima
Che incontro
Mi trovo
Languente
Che
Una volta
Già gli ero stato
Assuefatto
E me ne stacco sempre
Straniero
Nascendo
Tornato da epoche troppo
Vissute
Godere un solo
Minuto di vita
Iniziale
Cerco un paese
Innocente