Citations sur Vie d'un homme. Poésie, 1914-1970 (161)
"L’amour n’est plus cette tempête
Dans l’éblouissement nocturne
Qui m’enchaînait naguère encore
Entre insomnie et délire.
Il est l’éclair de ce phare
Vers quoi le vieux capitaine
Avance, calmement."
Jamais, vous ne saurez jamais quelle lumière
M'est l'ombre qui se pose à mon côté, timide,
Quand je n'espère plus...
POUR LES MORTS
DE LA RESISTANCE
Ici
Sont vivants pour toujours
Les yeux qui furent clos à la lumière
Afin que tous
Les gardent pour toujours
Ouverts
A la lumière
ROUGE ET AZUR
J'ai attendu votre lever
Couleurs de l'amour,
Et voici que vous dévoilez une enfance de ciel.
Elle tend la rose la plus belle rêvée.
1928
L'hirondelle s'en va et l'été avec elle,
Et moi aussi, me dis-je, m'en irai...
Qu'il reste au moins, de cet amour qui me déchire,
Un peu plus que le sceau d'une brève buée,
Si de l'enfer j'arrive à quelque paix...
DiALOGUE
1966-1968
UNGA
12 SEPTEMBRE 1966
Tu es apparue à la porte
Vêtue de rouge
Pour me dire que tu es feu
Qui consume et renflamme.
Une épine m'a piqué
De l'une de tes roses rouges
Pour que tu suces à mon doigt
Un sang déjà presque tien.
Nous avons suivi la rue
Que lacère la verdeur
De la colline sauvage
Mais depuis longtemps je savais
Que de qui souffre avec foi téméraire
L'âge pour vaincre ne compte.
On était un lundi,
Pour nous prendre les mains
Et nous parler heureux
Il ne fut d'autre refuge
Que ce triste jardin
De la ville convulsée.
CHANT SECOND
Elle creuse l'intime vie
De notre masque de malheur
D'une caresse fanatique,
La sombre veillée des pères
Ou prison d'infini.
Mort, ô mot très muet
Sable laissé comme un lit
Par le sang,
Je t'entends chanter comme une cigale
Dans la rose veuve de reflets.
REPONSES DE BRUNA
13 SEPTEMBRE 1966
Les mains tremblantes serraient
Le fil de l'appareil ;
Il m'avait l'instant d'avant
Transmis ta voix
Pour l'adieu.
Un rayon de lumière erra,
Mince fil spirituel
Du baiser que j'avais donné
Par pur désir.
Mais mon amour têtu
Vaincra l'exil.
Quand toute lumière est éteinte
Que je ne vois que mes pensers,
Une Eve me met sur les yeux
La taie des paradis perdus.
1932
DANS LE DEMI-SOMMEIL
Je veille la nuit violentée
L'air est criblé
comme une dentelle
par les coups de fusil
des hommes
renfoncés
dans les tranchées
comme les escargots dans leur coquille
Il me semble
qu'une ahanante
tourbe de cantonniers
pilonne le pavé
de pierre de lave
de mes routes
et je l'écoute
sans voir
dans le demi-sommeil.
Vallonello di Cima Quattro, 6 août 1916