Des journaux, bien sûr, mais surtout des revues pleines de gens si beaux qui vous faisaient faire des cauchemars quand vous vous regardiez dans le miroir après une nuit ratée.
Les hommes aiment se souvenir parce que, ce faisant, ils peuvent apercevoir le chemin parcouru.
Les réunions de famille sont détestables. On y voit tous les vices de l'humanité. L'arrogance, l'orgueil, la médisance y ont une place assurée.
On arrive toujours au bout d’un bon gâteau, quand bien même on modère le rythme entre chaque bouchée.
Maman regarda avec méfiance les quelques feuillets que j’avais griffonnés. Elle remarqua mes tentatives d’illustrations du monstre sur lesquelles il ressemblait davantage à un hippocampe raté qu’à un cachalot. Elle les retourna pour ne plus les voir. On cache la laideur. Et le mensonge qu’on réserve aux enfants lorsqu’ils rentrent de l’école avec un dessin hideux, en leur disant : « C’est magnifique, mon chéri », n’avait plus lieu d’être.
Il n’écoutait ni le cœur ni les poumons. « Tout vient du ventre ! » était sa devise. Maux de tête, maux d’estomac, otite, angine, grippe… Effervescente al limone ! Le médecin retardait toujours l’arrivée de « al limone ». On avait l’impression qu’il ajoutait au remède un dernier ingrédient, précieux, sans lequel il serait inopérant. Comme le disait mon père, « avec Ignazio, soit on guérit, soit on meurt », la sentence était recevable mais un peu exagérée, quand même.
Les rêves sont volatils, et heureusement, car maman aurait bien tordu le cou à celui qui venait de s’enfuir.
Enfant, j’avais l’impression que tout le monde m’aimait. Les professeurs, les camarades, les voisins, les membres de la famille. Tout le monde m’aimait. Même les animaux domestiques. Les moins domestiques, aussi. Les lézards qui se calaient entre deux pierres à midi, et que j’écrasais parfois et qui ne m’en voulaient pas. On m’aimait. Les cigales chantaient pour moi, quand bien même j’étais entouré par une foule immense (ce qui, soit dit en passant, arrivait rarement dans notre village, le mot foule ne lui correspondant pas vraiment). C’était fort. Un amour global. Certains se sentent persécutés, moi, je me sentais aimé. Bien sûr, ce sentiment relevait de l’illusion, mais, pour un enfant, illusion et réalité sont des pays frontaliers, et passer de l’un à l’autre ne pose aucun problème. Jusqu’au jour où l’on rétablit les contrôles aux frontières.
Adolescent, la lecture m’avait offert la possibilité d’évasion que je recherchais. Les mots des autres comme un pont tendu vers l’Europe.
Être réveillé par un imbécile doit, sans doute, faire partie des pires expériences de la vie d’un homme. Avec l’obligation de manger des abats après une anémie et celle d’entendre sa mère nous répéter qu’on a un peu maigri depuis notre dernière rencontre.