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Critique de Bobby_The_Rasta_Lama


"Mais quelle est cette royauté
Des signes tarabiscotés ?"

"Il était une fois"... pour paraphraser la chronique d'une charmante amie babéliote. J'espère qu'elle ne s'en formalisera pas.
Ou encore, comme on dit dans les contes slaves : "Il était, il n'était pas..."

Il n'était donc pas une, mais deux petites filles, qui ont passé leur enfance quelque part à l'Est. Elles ne se connaissaient pas, mais les deux ont pareillement grandi avec les contes slaves, les histoires d'Andersen, Perrault, frères Grimm... et probablement aussi avec les livres de Nikolaï Nosov et la série animée "Ну, погоди !". L'une a choisi la musique comme métier, tout en pratiquant le dessin pour le plaisir, et - chose amusante - l'autre a fait exactement le contraire. Elles ont fini par se rencontrer un beau jour sur un site littéraire en France, car elles ont toutes les deux toujours aimé la poésie.
La "grande" poésie classique, mais aussi la "petite" poésie du quotidien, cachée dans tout et dans n'importe quoi : la poésie de la pluie, des moustaches d'un chat, des tâches sur un mur écaillé. Poésie des boulevards animés de la grande ville, poésie des phrases, des mots et des lettres.
Poésie des malléables MAJUSCULES.

J'ai toujours adoré les majuscules. Non seulement elles me permettaient de lire et de tracer mes premiers mots avant même d'aller à l'école, mais par une sorte de métamorphose magique, elle pouvaient se transformer en "métamajuscules". Dans mes premiers abécédaires, c'étaient des entités dotées d'une vie propre, qui faisaient travailler l'imagination : S comme (presque obligatoire) "serpent", X comme les deux baguettes croisées de "xylophone". H comme "hôtel"... sans doute quelque part à Paris, la ville toujours très présente dans les poèmes ludiques de Maryna.
Sur les pages de son livre, les majuscules se déguisent pour un carnaval, et se transforment en tout ce que vous voulez. Et vous en voulez encore, car c'est rythmé, coloré, inventif , amusant et agrémenté par des petits dessins simples au pastel à l'huile en parfait accord avec les poèmes. Les lettres costumées sorties de l'imagination de Maryna donnent envie de continuer le jeu et d'en inventer d'autres... sans aucun "programme" littéraire ou artistique bien défini, seulement pour le plaisir de regarder la vie d'une autre façon, pour qu'elle devienne elle-même un poème.
"Au lieu d'être uniment utile,
La lettre, étrange et versatile,
S'offre un goût de la beauté
On l'examine avec doigté !
Elle est rebelle à tout calcul
Lançant partout ses tentacules !"

"Le Carnaval" m'a fait souvent penser au livre de mon cher Vítězslav Nezval, appelé "L'Alphabet", qui est aussi un hommage poétique aux majuscules. Les photo-illustrations avant-gardistes qui mettent en scène la danseuse Milča Mayerová en légère tenue de sport ont fait un petit remue-ménage dans les hauts cercles académiques en 1926, ce qui ne risque pas d'arriver - heureusement - aux plaisants pastels de Maryna, mais on y trouve le même jeu avec les mots et la typographie, les mêmes associations spontanées, et la même prédilection pour les thèmes de la ville, les voyages exotiques et les petites choses ordinaires qui revêtent un habit extraordinaire dans un autre contexte. La même sensibilité malicieuse, capable de charmer n'importe quel lecteur entre trois et cent trois ans.
"L'Alphabet" s'inscrit dans ce courant artistique typiquement tchèque qui est le "poétisme" : une sorte de surréalisme plus léger, plus joueur, totalement apolitique et essentiellement optimiste.
Le livre de Maryna Uzun est comme une réinvention moderne de ce "poétisme" que j'aime tant, avec son invitation à rêver devant la mêlée des M, les entrechats des E, les roulades des R, les cabrioles des C, les imbroglios des I... MERCI Maestro !
"Mais à présent c'est à Vous !
Ne manquez pas le rendez-vous !"
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