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Critique de berni_29


Isis,
C'est un prénom qui ressemble à un Orient envoûtant et mystérieux.
Isis c'est comme une île. Elle recherche l'amour idéal, le rivage insoupçonné, inaccessible et quand elle l'atteint, c'est pour s'en lasser. Elle veut être une oeuvre d'art en mouvement.
Peindre, trouver ainsi son chemin dans le monde.
Car Isis est une jeune artiste peintre qui tente de vivre de son art, elle est d'origine ukrainienne, belle, impétueuse, rebelle, éprise d'absolu. Elle rêve d'un amour à la fois romantique et intense, qui réinventerait le quotidien de chaque jour et qui la comblerait au-delà de tout.
Elle vit avec Marc depuis trois ans. Leurs corps en harmonie dans le désir de l'un pour l'autre ne sont que fusion et incandescence. Leurs corps forment l'accord parfait qui vient se plaquer sur les touches blanches et noires d'un piano, mais pour le reste, qu'en est-il ? Pour le reste, cela pourrait ressembler à des notes dissonantes...
Car Isis trouve ce quotidien terne. Marc est comme un ordinateur qu'on allume et qu'on éteint, prévisible, programmé pour accomplir docilement sa vie quotidienne. Bon, en ce moment, mon ordinateur capricieux et imprévisible ressemblerait plutôt à Isis...
Elle et lui n'ont rien de commun si ce n'est ce toit qu'ils partagent, - ♪ ♫ toit toit mon toi...! ♪ ♫, si ce ne sont leurs étreintes, si ce ne sont ces paysages vers lesquels ils courent pour tenter de redonner souffle à leur existence.
Le sable bleu de Deauville, Venise, Florence, la baie de Quiberon...
Ce sont deux conceptions différentes de l'amour, deux personnages égarés dans la même histoire...
Isis me fait penser à l'océan en Bretagne, ce n'est jamais le même paysage, d'un jour à l'autre, parfois dans la même journée. Isis est imprévisible comme la mer.
J'ai cherché à savoir ce qu'il y avait dans ce coeur bousculé par tant d'impatience. J'ai tendu la main vers Isis. Je l'ai suivie dans les jardins du Luxembourg, j'ai effleuré de mes doigts l'eau pâle sur les chaises en fer jetées en désordre après la pluie...
Isis est un oiseau insaisissable, un papillon, une libellule, un chat qui retombe sans cesse sur ses pattes. Une funambule qui marche sur les phrases que déplie Maryna Uzun comme une ligne de vie.
Isis, c'est une joie folle étreinte de tristesse.

Insatiable,
Solitaire parmi les jours ordinaires,
Imprévisible,
Silencieuse en elle.

Car les silences d'Isis sont des respirations à combler. Je l'ai suivie dans cette quête éperdue d'amour. Je l'ai suivie et je me suis demandé quelle était cette voix intérieure qui la poussait parfois à entrer dans le silence d'une église vide, là où je me suis assis trois rangs derrière elle...
Peut-être pour calmer les trépidations d'un coeur sans cesse affolé ? Peut-être pour prier ? Mais prier pour qui, pour quoi ? Pourquoi ?
Comment remplir ses silences ?
Par un étrange hasard, mes lectures estivales m'ont amené souvent à effleurer des femmes dont le ventre demeurait désespérément vide. Nous nous étions fait l'écho d'un de ces personnages lors d'une lecture commune qui parlait d'ailleurs aussi de peinture, de Chagall...
J'ai deviné l'ombre de Maryna Uzun dans cette écriture imagée, musicale, poétique.
Maryna Uzun n'écrit pas, elle peint. Elle n'écrit pas, elle laisse courir Isis incroyablement éprise d'absolu comme une fugue, comme un scherzo. Isis, c'est une musique qui caracole et la musique change aussi comme la mer...
Isis, comme une note de musique qui se promène sur la partition insensée des mots que nous joue Maryna Uzun.
J'ai deviné dans cette écriture, une voix juste, une émotion à fleur de peau, intense comme lorsqu'elle eut peut-être pour la première fois envie de peindre ce personnage excessif et inquiet qu'est Isis.
Parfois une narration lente semble chercher à calmer l'inconfort de l'amour. Son affolement. Chercher à consoler Iris qui se sent parfois étrangère à sa vie.
Oui, la consoler car je vous avoue que parfois j'ai cru voir les larmes d'Isis couler sur les pages de mon carnet à spirales, les faire s'onduler comme de petites vagues, lorsqu'elle se penchait au-dessus de mon épaule pour voir ce que j'écrivais...
Maryna Uzun est amoureuse des mots, à moins qu'elle soit une magicienne des mots, l'un n'empêchant pas l'autre, bien au contraire. J'ai d'ailleurs connu une magicienne... mais pardon je m'égare...
L'écriture de Maryna Uzun est poétique, sensuelle, brûlante comme un brasier, elle m'enroule de ses caresses, m'enivre de ses mouvements entrelacés. Elle sait dire les pleins et les déliés de la vie, les lignes sinueuses, l'asymétrie des formes, les interstices, les aspérités, d'où parfois surgit la lumière par ricochet.
Il y a de l'espièglerie aussi dans certaines scènes. J'ai souri à l'évocation de cet amant pressé qui n'enlevait jamais sa montre de son poignet lorsqu'il faisait l'amour. J'ai alors imaginé ce que cela aurait été s'il avait porté une montre à gousset...
C'est une écriture insaisissable d'une féminité solaire comme les mouvements d'Isis, toujours recommencés dans cette recherche d'un sens à sa vie.
Son écriture est comme un va-et-vient qui me conduit au vertige.
Et puis, il y a cette belle et douce réflexion en filigrane : le bonheur est-il un don ?
Que cherchons-nous dans nos lectures sinon des personnages parfois fantasques et fragiles qui nous rendraient la vie ordinaire totalement insupportable ?

« C'est le repos éclairé, ni fièvre ni langueur, sur le lit ou sur le pré.
C'est l'ami ni ardent ni faible. L'ami.
C'est l'aimée ni tourmentante ni tourmentée. L'aimée.
L'air et le monde point cherchés. La vie.
- Était-ce donc ceci ?
- Et le rêve fraîchit. »
Rimbaud, Veillées

Merci Maryna pour ce très beau cadeau.
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