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Critique de nicopompus


Mme Estelle Valls de Gomis signe ici un petit recueil de nouvelles « victoriennes », au nombre de dix, mettant en scène Wolfgang Bloodpint, Manfred Gladstone, Mlle Wilhemine et Ernest (une souris parlante de cinquante centimètres), connus sous le sobriquet du « Petit groupe de Belgravia », résidence londonienne d'un des personnages principaux. L'ensemble des nouvelles forme une suite fictionnelle logique, une sorte de petit roman dont chaque chapitre serait une histoire à part entière.
Si l'ouvrage se veut un pastiche de qualité (rappelons que la nouvelle d'ouverture a gagné le premier prix de la nouvelle victorienne en 2003) des chefs-d'oeuvre littéraires du XIXe siècle britannique, Mme Estelle Valls de Gomis nous offre au mieux une parodie de mauvaise qualité.
La quatrième de couverture propose cette description des plus alléchantes, comme vous pouvez en juger : « Estelle Valls de Gomis a opté pour une composition en nouvelles qui cadre avec les formats de ce siècle, renforçant encore l'immersion dans cet univers riche de légendes mais néanmoins très original : l'auteure, tout en jouant avec les codes de l'époque qu'elle maîtrise parfaitement, donne une lecture inspirée de créatures à la mode comme les vampires ou les zombis. »
La lecture de l'ouvrage a tôt fait de nous désenchanter. Certes, Mme Estelle Valls de Gomis maîtrise la langue française et son style, bien que parfois innocent, est élégant. L'élégance de la langue ne rend cependant pas l'élégance d'expression et de pensée de ces gentlemen du XIXe siècle. Les deux personnages masculins, qui aiment bien parler pour ne rien dire, sont assez superficiels et ne présentent que peu d'intérêt. L'action, pour sa part, ou plutôt devrais-je dire, les actions (ou intrigues), sont ridicules et parfois manquent cruellement de sens. Les personnages s'agitent, résolvent par miracle leur affaire et se congratulent chaleureusement de leur succès avant de retourner à leur consommation d'absinthe. Vous ne trouverez pas ici de Sherlock Holmes à l'esprit brillant, à peine de vagues êtres mystérieux à qui l'on attribue des succès qu'ils sont loin de mériter.
Pourtant, le lecteur pourrait commettre la grave erreur de s'attacher à ces personnages-brouillon. Ernest, la grande souris intelligente, ferait un personnage de qualité s'il lui était attribué un rôle autre que de la figuration. Wilhelmine, sorcière ratée et intrigante, gagnerait en épaisseur si elle cessait de faire les yeux doux à Wolfgang et passait à l'action.
Ce qui est le plus agaçant peut-être dans cet ouvrage est l'ambition qui est affichée. Mme Estelle Valls de Gomis, docteur en littérature vampiresque, femme ès qualités, connaît très certainement ses classiques sur le bout des ongles et souhaiterait que ses ouvrages le devinssent à leur tour. Malheureusement, nous constatons qu'il n'en sera rien avec les Gentlemen de l'étrange, qui ressemble plus à une parodie de potache qu'à une réécriture de la littérature victorienne. le principe d'un ensemble de nouvelles créant un petit roman est une excellente idée. La volonté de mettre en scène des décadents de l'âge victorien, amateurs de phénomènes paranormaux, est louable. Encore eût-il fallu insuffler dans ces bagatelles littéraires l'âme de l'époque, ce verbe haut et brillant que l'on cherche désespérément en vain à toutes les pages. Nous avons parlé d'un style maîtrisé. En effet, la langue est riche et très agréable, mais le tout sonne creux. le vernis littéraire ne parvient pas à masquer le vide de l'histoire. Cet ouvrage est un échec qui n'aurait pas dû être publié. Il s'agit de ces exercices que tout écrivain compose secrètement dans sa chambre tard le soir mais dont il a honte de montrer le résultat à tout lecteur digne d'intérêt.
Nous ne pouvons même pas qualifier ce livre de « nouvelles de gare », il n'y a aucun élément qui pourrait susciter l'intérêt chez la responsable des achats. Où se trouve l'aventure ? Elle est dans le fauteuil. Où se trouve l'amour ? Nous le cherchons encore. Où se trouve l'intérêt du roman ? Dans le contre-exemple qu'il fournit à tout écrivain aspirant. C'est donc un ouvrage à découvrir pour mieux comprendre comment marche l'écriture. Il nous montre ce qu'il faut éviter lorsque l'on compose des dialogues (le blabla inutile), lorsque l'on crée des personnages (l'ombre chinoise n'est jamais très excitante à lire), lorsque l'on imagine une intrigue et que l'on mêle les éléments pour la créer (non, tout arrive pour une raison, la littérature ne supporte pas le hasard qui fait bien les choses). Mme Estelle Valls de Gomis nous livre donc en filigrane un manuel d'écriture que tout lecteur un tant soit peu intéressé par la res litterae se devra de posséder dans sa bibliothèque. Pour parvenir au bout de l'ouvrage, il devra se munir de tout son courage et attendre le moment où il sort de la sieste et qu'il s'est bien éveillé. le risque serait qu'il fût saisi à nouveau par les bras de Morphée, mais peut-être alors, en rêvant, pourra-t-il améliorer ces quelques histoires et en faire un chef-d'oeuvre inoubliable.
Pour le moment, nous conseillons à tous d'oublier Les Gentlemen de l'étrange.
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