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Critique de karmax211


Dans ce huitième art qu'est la photographie, il y a de très grands noms comme l'immense Gaspard-Félix Tournachon... dit Nadar qui, excusez du peu, a portraitisé des Baudelaire, des George Sand, des Victor Hugo, et qui disait, je le pense avec un peu de malice mais aussi beaucoup d'expérience et de lucidité : " La photographie est à la portée du premier des imbéciles, elle s'apprend en une heure. Ce qui ne s'apprend pas, c'est le sentiment de la lumière …et encore moins l'intelligence morale de votre sujet … et la ressemblance intime."
Plus près de nous Henri Cartier Bresson affirmait : " Photographier c'est mettre sur la même ligne de mire la tête, l'oeil et le coeur."
Quant à Robert Doisneau, ce qu'il cherchait dans son art, c'était : " Saisir les gestes ordinaires de gens ordinaires dans des situations ordinaires ."
Si j'ai choisi "ces monuments" du 8ème art et ces citations en particulier, c'est qu'ils synthétisent, pour partie, l'approche et le travail de création de Frédéric Cornu dans cet ouvrage - Dans l'ombre -, introduit par un texte de Pierre van Tieghem ( un excellent texte au passage...).
Frédéric Cornu a partagé pendant un an et demi la vie d'une association caritative dédiée aux plus démunis.
Il va y installer son studio, portraiturer 48 visages appartenant à des bénéficiaires, des travailleurs sociaux et des bénévoles.
" Drapée dans un paréo noir qui ne laisse échapper que la tête, chaque personne est photographiée en plan rapproché."
Comme nous l'explique Pierre van Tieghem dans son texte d'introduction :
" Depuis tant d'années dédiées au portrait, c'est en pleine conscience et possession de toute cette immense problématique que Cornu en prend résolument le contrepied et, tendu vers un unique objectif : célébrer le visage, décide de dépouiller à l'extrême les images de Dans l'ombre. Rien ne doit transparaître de l'ancrage social et rien ne doit nous extraire du visage. le visage est libéré. Mais nous, nous en sommes prisonniers. Impossible de nous en détacher car, pour éradiquer toute esquive, pour nous contraindre à le prendre en considération, il nous fait face. Qu'ils nous fixent ou qu'ils se perdent dans le hors-champ, les yeux sont le catalyseur de l'expression du visage. Plus encore : en eux-mêmes, par essence, se livre tout entier le modèle, son intelligence, ses sentiments, les forces – bonnes ou mauvaises – qui l'animent."
Nous sommes confrontés à un mixte troublant entre la photo d'identité à ses origines, telle que l'a voulue Alphonse Bertillon, à "l'ordinaire" des gens ordinaires de Doisneau et aux esquisses d'un de Vinci dans ses célèbres carnets.
C'est une expérience étrange que de se sentir à la merci de ces visages et de leurs regards qui vous dévisagent.
Ils ne sont pas beaux, d'une beauté par erreur, d'une beauté liftée, botoxée, jeunisée, selfiesée... voire peoplisée.
Ils sont pour ceux qu'ils sont.
Comme le dit Lévinas : ces visages m'ont et me désarment.
Ignorant tout d'eux, ne me livrant que le silence hurlant de leurs yeux, ils me crient que "Nous sommes tous coupables de tout et de tous devant tous, et moi plus que les autres".
Un texte et 48 portraits "dérangeants" !!!
Un grand merci à Masse Critique et à Babelio pour ce voyage... pas comme les autres !
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