Le soi hanté : Dissociation structurelle et traitement de la traumatisation chronique

...chaque nouveau pas d'intégration implique un nouveau type d'auto-organisation. Ces changements non-linéraires correspondent peut-être à l'observation que la progression, y compris la progression en thérapie, se fait quelquefois par sauts.

... beaucoup de thérapeutes spécialistes des traumatismes ont fait l'expérience qu'une seule remarque "malheureuse" peut engendrer une grave crise chez le patient. Ce genre de crise inclut une ou plusieurs actions substitutives, comme une automutilation et une rupture temporaire de l'attachement sûr. Et un seul léger rappe d'une expérience traumatique peut provoquer la reviviscence complète de cet événement sous la forme d'actions sensori-motrices et puissamment émotionnelles, excessives et douloureuses, accompagnées d'une perte de toutes les tendances à l'action sociopersonnelles.

Les survivants doivent apprendre à être plus efficaces dans la gestion de leurs existences agitées. Les thérapeutes les aideront à se lancer dans des actions importantes, nécessitant chaque fois l'examen de leur univers interne et externe, et à ajuster leurs actions aux résultats de cette exploration (l'observation et l'utilisation de "l'esprit de sagesse" [...]). Beaucoup de survivants ont très peur d'examiner et de réaliser leur monde passé, présent et à venir ; mais c'est l'objet de la thérapie. Plus précisément, la thérapie assiste les survivants dans leurs efforts vers ce niveau élevé de fonctionnement dans une gamme étendue de systèmes d'action.

.... un individu en bonne santé mentale se trouve rarement dans la confusion dans la chronologie et ne confond donc pas réellement le passé et le présent. Les survivants, cependant, sont parfois trop dépersonnalisés pour vivre les choses comme réelles, ou sont quelquefois trop pris dans une expérience passée.

... lorsqu'on a été exposé à des événements traumatiques majeurs, le monde ne nous paraît plus jamais le même, le danger devient plus réel et plus plausible, et l'on peut avoir tendance à entrer plus rapidement et plus facilement dans des attitudes défensives.

... les survivants ont souvent peur ; les sensations physiques de la peur fonctionnent comme les sensations de la faim : plus on a faim, plus on est poussé à chercher de la nourriture ; plus on a peur, plus on est poussé à rechercher la sécurité et à éviter le danger. Mais les survivants ont souvent peur, qu'ils soient en sécurité ou non. Ils réagissent aux sensations de peur par une activation permanente de leur système défensif et une concentration étroite sur les éventuels signaux de danger, ce qui, en fin de compte, ne crée pas une homéostasie, mais au contraire un grave déséquilibre.

Au sens psychologique, les objets n'existent pas tant que nous ne les construisons pas, c'est-à-dire tant que nous ne découvrons pas comment les utiliser ; par exemple, un lieu sûr n'est pas une évidence pour les enfants maltraités ; il ne devient sûr que lorsqu'ils le découvrent, par exemple, qu'ils peuvent se cacher dans le placard et de s'y sentir en sécurité. De la même façon, un survivant va devoir apprendre que le cabinet du thérapeute est un lieu de sécurité.

... le sens de la temporalité est un acquis évolutionnaire relativement récent et [...] est donc facilement perturbé par les traumatismes.

Il est souvent essentiel pour les patients de faire des comptes rendus conscients, verbaux de leurs présentifications centrales en thérapie, parce que ces comptes rendus consolident l'intégration et stimulent donc des actions mieux adaptées et de niveau plus élevé. Par exemple, un patient dira : "Je suis assis ici sur ce divan bleu dans la salle de thérapie et mon thérapeute est assis en face de moi, il écoute ce que je lui dis. Je suis en sécurité, et personne ne va me faire de mal."

La présentification, action extrêmement complexe, exige de nous le maximum d'efficacité et d'énergie mentales. C'est donc une action qui disparaît facilement, et fréquemment lorsque nous sommes stressés ou distraits. Maintenir la présentification, à la fois dans le moment présent et au cours de notre vie tout entière, est notre plus grande réussite ; c'est aussi un objectif final de la thérapie avec les individus traumatisés.