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Critique de Alfaric


Challenge Jack Vance, épisode 6 :

"Le Pnume", sorti initialement en 1970, est le 4e tome du "Cycle du Tschaï" ("Planet of Adventure" en VO, un titre nettement plus évocateur).
L’équipage du vaisseau Explorateur IV se rend dans le système de La Carène 4269, pour découvrir qui a tenté de communiquer avec la Terre il y a 150 ans (décalage temporel des distances en années-lumière oblige), mais l’appareil n’a pas le temps d’entrer dans l’atmosphère de la planète Tschaï qu’il est abattu par une torpille d’origine inconnue. Seul rescapé du crash, Adam Reith doit survivre et découvrir ce nouveau monde qui l’entoure, pour ensuite identifier ceux qui les ont appelés et ceux qui les ont attaqués, avant de regagner la Terre. (La similitude saute aux yeux avec le pitch de départ de "La Planète géante" paru en 1957, l’auteur livrant sans doute ici une version améliorée du roman qui l’a rendu célèbre en son temps.)


Sur Tschaï, plus on est de fous et plus on rit : c’est une planète de dingues où l’irrationalité est la normalité !


Jack Vance s’amuse comme un petit fou à donner corps et à donner vie à toutes ses civilisation et en bon worlbuilder l’auteur décrit chaque peuple avec un luxe de détails en et leur offre une géographie, une histoire et une culture avec sa langue, ses lois, ses modes…). On s’inspire des récits de voyages coloniaux et des carnets ethnographiques : Adam Reith fait l’effet d’un Américain du Middle West paumé à Zanzibar ! Mais derrière son odyssée, on peut déceler une critique du Tiers-Monde colonial tout autant qu’un critique des Etats-Unis, colonisés devenus colonisateurs… Il aborde le choc des civilisations avec des peuples tantôt exploités tantôt exploiteurs à travers des thèmes comme l’acculturation ou la déculturation : dommage que cela reste léger comparé à l’arrière-plan paternaliste du roman.
L’auteur est également un bon peintre qui excelle dans les descriptions évocatrices véritables invitation au voyage, d’autant plus qu’ici les personnages se déplace de civilisation en civilisation à travers les steppes, les océans ou les cieux. L’auteur est également et un dialoguiste qui nous régale de joutes verbales pleines de roublardises et d’hypocrisie entre les différents protagonistes de l’aventure (mention spéciale à Anacho !)


La fin du cycle phare de Jack Vance est une sacrée déception : j’avais clairement l’impression que l’auteur en avait plus rien à faire de son histoire et de ses personnages, et qu’il était pressé d’en finir (déjà qu’il tenait moins à eux qu’à l’univers dans lesquels ils gravitaient…). Non seulement ce 4e tome n’apporte rien aux précédents, mais les péripéties, moyennes et précipitées en plus, sont clairement un rallongement artificiel de l’intrigue. Du coup pour moi cela a été très difficile de ne pas lire en diagonale !

Bon grâce à une nouvelle fourberie, l’ignoble Woudiver parvient à vendre Adam Reith aux Pnumekins, les serviteurs humains des insectoïdes Pnumes (qui veulent l’intégrer à leur gigantesque musée dédiée à l’histoire de la planète Tschaï, mais Jack Vance n’est pas fichu de nous l’expliquer). Pour la énième fois, il échappe à ses ravisseurs par un coup de chance cosmique, personne ne pensant à faire demi-tour pour se lancer à sa poursuite. Par un de nouveaux coups de chance cosmiques, il tombe très rapidement sur les cartes des souterrains pnumes puis sur une personne aisément contrôlable capable de les déchiffrer (Zith Athan Pagaz 210, alias Zap 210)… S’ensuit une suite de péripéties peu palpitante pour remonter à la surface.

Par bateau et par chariot, on regagne Siviche avec un passage chez les primitifs khors pour obtenir les moyens de voyages, et un arrêt chez les rusés Thangs, où Adam Reith s’adonne aux jeux d’argent pour se ravitailler en sequins (oui, même niveau peuple, l’auteur est en mode minimum syndical). De retour à son point de départ, il s’aperçoit que son chantier illégal à été détruit par les Dirdis venus régler leurs comptes avec l’ignoble Wouvider.
Il retrouve Anacho en cavale, puis après un deuxième détour par les souterrain pnumes, on va à Kotan récupérer Traz et l’astronef qui avait mis à l’abri. On retrouve enfin les deux compagnons d’Adam Reith, mais à quelques pages de la fin : l’évolution psychologique de Traz qui redevient Traz-Onmale est expédiée en une tirade et le évolution psychologiques d’Aancho qui finit enfin par croire en Adam Reith et sa révolution à la fois copernicienne et darwinienne est balancée en une phrase… (Soupirs) Le héros et ses potes vont sur Terre : Fin ! Sinon Adam Reith est content car il a enfin déniché une jolie cruche (comme son vis-à-vis de "La Machine à explorer le temps" de H.G. Wells)…

J’avais déjà lu tout dans ça dans "Lyonesse", écrit dans les années 1980 et c’était autrement mieux fait qu’ici…
On sent bien la tentation de la new wave avec la dystopie souterraine où les pnumekins sont considérés comme des outils en étant cantonnés toute leur vie au même rôle sociale et à la même zone géographique, avec ses femmes qui sont divisées en poules pondeuses cloîtrées où et travailleuses asexuées sous l’emprise du diko : ah on sent bien l’héritage de Du "Meilleur des mondes" d’Aldous Huxley. Et puis il y a aussi la magnifique scène de la Salle de la Perpétuation !
Oui mais non, les ¾ du roman tournent autour de l’éducation sexuelle d’une adolescente anorexique, Adam Reith fantasmant sur les formes naissantes de sa compagne de route et voulant qu’elle en sache assez sur la chose sans brusquer les choses. L’auteur n’avait pas l’ambition de refaire de coup du "Lolita" de Nabokov, avec les alter egos d’Humbert Humbert et de Dolores Haze, mais il y avait mieux à faire avec cette adolescente délivrée de ses chaînes qui découvre le monde de la surface qu’elle n’a jamais vu, ni même imaginé… Oh oui il avait sacrément mieux à faire ! Par contre, on montre bien que les femmes doivent obéir aux hommes puisque dès qu’on les laisse livrées à elles-mêmes elles font n’importe quoi (genre acheter des franfreluches qui coûtent les yeux de la tête, aller au bar alors qu’elles ne tiennent pas l’alcool ou se faire embarquer par un inconnu aux mauvaises intentions). On se passerait bien des réprimandes d’Adam Reith qui laisse livrée à elle-même une adolescente nouvellement nubile qui n’a jamais connu autre chose que les ténèbres de son abri souterrain… Car évidemment Zap 210 qui s’interroge sur ses nouveaux émois et ses nouvelles formes (ses seins et ses hanches s’épanouissant…), manque de se faire violer par un viril colosse… (Soupirs)


On a donc tous les ingrédients d’un bon récit picaresque de SF résolument vintage : à la jonction des années 1960 et années 1970 on ici mélange agréablement le space-opera à aventures et le planet-opera à thèmes. Cela sent le pulp à la Edgar Rice Burroughs, donc outre la similitude avec "Le Guerrier de Mars" de Michael Moorcock, j’ai eu la joyeuse impression de lire une aventure en technicolor de "Flash Gordon", de "Buck Rogers" ou de "Captain Future". J’ai passé un bon moment, mais les événements s’enchaînent de manière trop rapide et trop facile, même pour un pulp…

Mais on rencontre toujours les limitations de l'auteur...

* Le héros Adam Reith n’est pas sympathique du tout. Les héros pulpien n’ont jamais été très subtils, mais là on est presque dans la caricature du héros républicain (qui a été rooseveltien avant d’être reaganien).


* Le sexisme et la misogynie. On connaît l’auteur, ce n’est pas nouveau mais on s’en passerait bien volontiers…


* Le syndrome Vance ! C’est-à-dire un excellent bâtisseur d’univers qui jubile à déballer ses jouets et à s’amuser avec mais qui s’en lasse très vite et qui n’hésite pas à bâcler ses histoires pour mieux passer à autre chose. Du coup, le récit est bien souvent prétexte à nous servir de guide touristique et à nous emmener en ballade à travers les contrées hautes en couleurs si chères à l’auteur…
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