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Critique de ManouB


ManouB
12 septembre 2019
Voici un livre-choc dont on ne peut sortir indemne surtout lorsqu'on sait que l'auteur s'est largement inspiré de sa propre vie.
En effet dans ce roman, David Vann revisite l'histoire de sa famille en imaginant les trois derniers jours qui ont précédé le suicide de son propre père, James (Jim) survenu en 1980, alors qu'il n'avait que 13 ans.
Dépressif, bipolaire, Jim alterne entre déprime, fatigue intense et euphorie durant laquelle il délire... Il a eu une belle vie, facile et aisée, ayant bien gagné sa vie comme dentiste. Mais maintenant qu'il a atteint la quarantaine, rien de va plus et il ressasse ses échecs, en particulier ses deux divorces, et ne s'en relève plus.
Aucun traitement n'arrive à le soulager de cette douleur qui paralyse ses nuits, l'empêchant de trouver le sommeil ce qui déjà en soi, pourrait rendre fou n'importe qui. Il refuse d'être interné ce qui serait l'unique solution pour le protéger et le soigner.
Il informe d'ailleurs tous ses proches de ses intentions d'en finir...
Pourtant il aime profondément ses enfants et sa famille, mais il ne se remet pas de se retrouver encore une fois délaissé par sa compagne. Il ne veut plus faire semblant.
Pourquoi n'a-t-il jamais pu garder une femme auprès de lui
Qu'est-ce qui cloche dans sa vie ?
Retiré depuis quelques mois en Alaska, nous le découvrons alors qu'il a accepté de venir en Californie, passer un "dernier" séjour auprès des siens, de revoir ses enfants, de consulter un psy et de se laisser protéger par Doug son frère cadet qui a pour consigne de ne jamais le laisser seul.
Mais ce n'est pas du tout facile pour Doug qui se retrouve tellement impuissant à l'aider et il en est de même de leurs propres parents.
Doug cherche à lui rappeler les bons moments de leur enfance. Il lui retire son arme, que Jim porte toujours avec lui, l'emmène voir ses enfants et ses amis.
Comme tous, Doug est en fait dans le déni, pensant improbable que Jim passe à l'acte. Mais à travers Jim et son désir de mort, tous seront confrontés à leurs propres angoisses et à leurs propres doutes...et comme tous les êtres humains, ils n'aimeront pas du tout être confrontés à leurs propres faiblesses.
Encore une fois l'auteur nous laisse dévasté par cette lecture poignante et oppressante. L'immersion dans le désespoir de Jim et l'impuissance de ses proches ne peut que nous toucher en plein coeur.
Je me suis demandée à un moment donné, si j'allais poursuivre ma lecture, mais l'auteur écrit tellement bien qu'à quelque part nous voulons, comme lui, comprendre comment un père peut abandonner ainsi ses enfants alors qu'il les aime tant, ou justement parce qu'il n'y arrive plus et...qu'il les aime tant.
Nous voyons l'inéluctable arriver tout en sachant que personne ne pouvait savoir jusqu'au bout que cela allait réellement se produire, ni quand, ni où, ni comment...Le suspense est d'ailleurs bien présent car dans son délire, Jim a des envies de meurtres et on se demande aussi, si avant de se suicider, il ne va pas mettre ses menaces à exécution.

L'histoire est racontée comme dans un roman sans que l'auteur n'emploie le "je" ce qui ne nous rend pas plus facile la prise de distance. Il ne prend pas partie, il ne juge pas son père.
Chaque fois qu'il parle du petit David, âgé de 13 ans, donc de lui-même, qui a refusé d'aller vivre un an avec son père en Alaska, (en vrai et dans le roman) on sent bien que la culpabilité n'est jamais bien loin.
Ce livre est aussi une bonne occasion pour l'auteur de dire clairement que si le port d'arme n'était pas autorisé aux Etats-Unis, ce drame n'aurait jamais eu lieu.
A lire quand on est en forme car évidemment malgré l'écriture superbe et tellement intense de David Vann, je ne peux pas vous dire que j'ai "aimé" ce roman...car comment "aimer" une telle histoire.
J'espère que l'écriture a été un bon exutoire pour l'auteur et lui a permis d'accepter ce drame et de pardonner à son père d'avoir commis un tel acte.
Le sujet est très dur et je réalise en écrivant ces lignes, que moi-aussi finalement je suis dans le déni, je n'ai pas envie de croire que de telles pensées puissent traverser un être humain.
Je plains de tout mon coeur ceux qui ne voient plus autour d'eux le bonheur qui pourtant est à leur porte, tellement la maladie les fait souffrir et les oblige à ne se centrer que sur leur propre personne.

Lien : http://www.bulledemanou.com/..
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