À l'occasion de la 45ème édition du festival "Le livre sur la place" à Nancy, David Vann vous présente son ouvrage "La Contrée Obscure" aux éditions Gallmeister.
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Note de musique : © mollat
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On peut choisir ceux avec qui l'on va passer sa vie, mais on ne peut pas choisir ce qu'ils deviendront.
Il avait l'impression qu'il était seulement en train d'essayer de survivre au rêve de son père.
Les morts qui tendraient les bras vers nous, dans le besoin, c'est faux. C'est nous qui tendons les bras dans leur direction, dans l'espoir de nous retrouver en eux.
Je vois une raie nager droit sur moi, juste au-dessus du sable, son immense ventre blanc et le battement de ses ailes. Comme si dieu descendait enfin sur Terre, après toutes ces décennies d’attente. Un vol doux, et bouleversant.
Nous ne devenons quelqu'un qu'à l'instant seulement où quelqu'un d'autre est au courant, et pas seulement une personne – il faut que ce soit un groupe. C'est alors que nous devenons ce quelque chose.
Tout est possible avec un parent. Les parents sont des dieux. Ils nous font et nous détruisent. Ils déforment le monde, le recréent à leur manière et c'est ce monde-là qu'on connaît ensuite, pour toujours. C'est le seul monde. On est incapable de voir à quoi d'autre il pourrait ressembler.
C'était une des choses qu'elle aimait chez Carl. Si on lui laissait suffisamment de temps, il savait admettre quand il avait merdé. Et contrairement à la plupart des hommes, il ne persistait pas dans la stupidité sous prétexte qu'on l'observait.
Le pire, dans l'enfance, c'est de ne pas savoir que les mauvais moments ont une fin, que le temps passe. Un instant terrible pour un enfant plane avec une sorte d'éternité, insoutenable.
A travers la ramure des arbres, il aperçut quelques étoiles pâles, mais bien plus tard, après que le ciel se fut découvert. Il avait froid et il frissonnait, son coeur battait toujours, la peur s'était ancrée plus profond, s'était muée en une sensation de malédiction, il ne retrouverait jamais la route vers la sécurité, ne courrait jamais assez vite pour s'échapper. La forêt était horriblement bruyante, elle masquait même son propre pouls. Des branches se brisaient, chaque brindille, chaque feuille se mouvait dans la brise, des choses couraient en tous sens dans le sous bois, des craquements bien plus lourds aussi, un peu plus loin, sans qu'il sache vraiment s'il les avait entendus ou imaginés. L'air de la forêt était épais et lourd, il se fondait dans l'obscurité comme s'ils ne faisaient qu'un et se ruait sur lui de tous côtés.
J'ai ressenti cette peur toute ma vie, pensa-t-il. C'est ce que je suis.
Je m'agenouillai devant le cerf, devant les hommes, je portai le foie cru à ma bouche. Encore tiède quand je mordis dedans, aucune résistance, rien qu'une bouillie chaude au goût de sang. Je sentis un haut-le-coeur mais le retins, je mâchai et j'avalai, je mordis à nouveau et je pensai au mort, je m'imaginer manger son foie et je sentis la bile monter, ma poitrine et ma gorge se convulser, mais je tins bon et j'avalai encore, et je pouvais percevoir le goût des entrailles de chaque homme et de chaque bête, je pouvais percevoir au goût que nous étions faits des mêmes éléments oubliés et plus anciens que la mémoire, à l'époque où les premières créatures avaient rampé hors de la soupe primordiale. Un goût d'eau de mer et de placenta dans ma bouche, un rappel d'où nous venions tous.