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Critique de bgbg


bgbg
17 novembre 2019
Bien sûr, ce livre traite du suicide, de l'obsession du suicide, mais ce roman de David Vann, puissant et inspiré comme les autres de cet auteur, aimanté par la nature, la solitude, l'exil en Alaska, est aussi une sorte de fresque absolue, totale sur une maladie mentale particulièrement féconde.

La différence avec les autres oeuvres de David Vann réside en ce thème, « la folie », qu'il traite avec effusion, tout en restant dans le domaine du roman. Une folie sous forme d'un état maniaque du personnage principal, Jim Vann, qui n'est autre que son père. le terme « d'état maniaque » ou de « trouble bipolaire » n'apparaît pas dans le livre - il est seulement question d'euphorie, de phase positive de son mal -, mais comment qualifier autrement cette exaltation du personnage, sa logorrhée, son énergie débordante, son trop plein d'idées, son instabilité psychique, ses insomnies et son obsession du suicide, un peu abstraite peut-être (et du meurtre de masse, avant d'en finir avec soi-même).
Jim Vann, dentiste qui s'est exilé en Alaska, est de passage en Californie où résident son frère, Doug, qui le prend en charge et ne le quitte pas d'une semelle, sa première femme et ses deux enfants, parmi lesquels David, le futur écrivain, âgé de treize ans. Jim et Doug récupèrent les enfants chez leur mère, font une partie de chasse qui les voient tuer un petit geai buissonnier, au lieu de cailles, et s'imaginer en manger la poitrine. Ils se rendent ensuite chez Lorraine, la mère des enfants : là, Jim se lance dans une fabuleuse histoire de flétan envoyé sur la lune, véritable astronaute en bocal, pour que l'on mesure son saut dans l'espace, une fois relâché en apesanteur. « Poisson vole ! »
Jim a été marié deux fois, et les deux fois il a été rejeté pour avoir trompé ses épouses, Lorraine puis Jeannette.
Les deux frères se rendent ensuite chez Mary, la compagne mystique de Doug, puis chez leurs parents, le père mutique, la mère protectrice. Jim, provocateur inconscient de ses excès, se fait rejeter et cherche à retrouver Jeannette en tapant chez ses soeurs et son beau-frère, mais, mot d'ordre convenu par tout un chacun, on ignore où est Jeannette. de retour chez ses parents, Jim parvient à dérider son père qui se lance dans une confession inhabituelle chez lui, qui lui permet de dérouler sa haine féroce de l'Amérique et de tout le genre humain, lui qui cachait depuis toujours son ascendance Cherokee.
Nulle part, Jim ne trouve la consolation, le réconfort, la compréhension qui pourraient le soulager, apaiser son mal-être, l'aider à s'orienter vers une vérité, une lumière, un espoir. Mais est-ce vraiment ce qu'il attend ? Ne va-t-il pas bientôt être trop tard ?

David Vann fait parler un père malade, qu'il a finalement peu connu. Ou plutôt un malade, malade de l'esprit, grandiose et pitoyable à la fois, et qui se trouve être son père. L'auteur fait preuve d'un beau courage, de perspicacité et de beaucoup de talent. Il a compris que le regard peu complaisant qu'il porte sur l'Amérique, ses banlieues, l'importance de la religion et de la possession d'armes, ne devait pas occulter l'analyse qu'il fait d'un mal-être singulier. Celui-ci, pathologique, verrouille sa victime, la séquestre, en même temps qu'il la déborde et s'étale sur son entourage. C'est une souffrance qui terrasse, qui appelle à mourir, mais surtout une mécanique diabolique, excessive, qui n'a pour objectif que de faire tomber les masques chez tout un chacun et se sert d'un outil brut, machinal, instinctif, fait de mots, de provocations, au service d'une histoire elle-même faite d'échecs et d'insatisfactions.
Un manifeste magistral.
Lien : https://lireecrireediter.ove..
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