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Critique de Acerola13


Cette lecture fut une grosse claque, à la fois pour ce qu'elle révèle de l'Union européenne et des évènements de la crise de la dette grecque de 2015 que pour son analyse décentrée de l'Europe, à travers les yeux d'un autre pays que le duo classique franco-allemand.

Yánis Varoufákis y fait le récit de l'accession au pouvoir du parti de gauche Syriza mené par Aléxis Tsípras, et de son programme politique d'origine, à l'opposé de ce que prévoyaient les experts de la troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire internation).

On y découvre une lutte entre un gouvernement élu démocratiquement et une structure dénuée de toute substance juridique suffisante au vu des mesures qu'elle est en capacité d'imposer aux Etats, un étonnant et impulsif désir de mise sous tutelle de la politique de certains pays de l'Union européenne et l'imposition d'un régime de choc, une guerre informationnelle pour décrédibiliser les propositions avancées par Syriza sur les marchés internationaux et les forcer à accepter un accord non négocié, et une espèce d'hypocrisie partagée par tous, où les discours de façade dans les groupes de travail diffèrent des conversations privées dans les couloirs du pouvoir.

On pourrait bien sûr accuser l'auteur de partialité, puisqu'il fut ministre des Finances de Syriza lors des évènements qu'il narre, et qu'il se pare plutôt du beau rôle de défenseur du peuple grec ; il ferait presque figure d'un saint parmi les personnages qu'il rencontre et décrit dans son livre : Wolfgang Schäuble (qui sera probablement peu regretté en Grèce), Christine Lagarde, Mario Draghi, Michel Sapin, Pierre Moscovici, et j'en passe. Il n'empêche que Conversations entre adultes est rudement édifiant par ce qu'il révèle des désaccords internes de Syriza et des problèmes endémiques de la corruption en Grèce, de l'obstination des experts de la troïka à imposer des mesures dont ils reconnaissent en coulisse l'inefficacité pour rétablir une économie grecque saine (l'octroi d'un prêt visant en fait à rembourser les emprunts contractés auprès des banques françaises et allemandes, menacées par leur gourmandise en créances douteuses), du refus absolu d'un compromis qui pourrait satisfaire et sauver la face des deux parties, et de l'épée de Damoclès toujours brandie d'une sortie de l'euro de la Grèce.

Yánis Varoufákis souligne d'ailleurs l'impuissance des ministres et représentants français, bien conscients des propres failles économiques de la France, que Schäuble rêverait de voir comparaître après la Grèce face à la troïka, ce qui tranche d'ailleurs avec les propos rapportés par François Hollande dans son Un président ne devrait pas dire ça.

En conclusion, une excellente lecture mettant en perspective économie, politique et démocratie, et bien sûr l'impact des décisions sur la population grecque présentée comme responsable du naufrage économique du pays, et donc chargée de faire un « effort » pour rétablir la compétitivité du pays, et ce malgré la vague importante de suicides qui suivit la crise de la dette, mais aussi une sonnette d'alarme sur ce que peut devenir un comité d'experts débridés chargé d'appliquer au nom de l'Union européenne des mesures dictées par des intérêts bien loin de toute considération humaine et sociale.
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