Dylan n'était ni un produit du show-biz (même s'il le devint), ni un contestataire de la société. Juste un rebelle, poète, baladin et musicien. Il y avait du rythme et du sens, du son et du sang dans ses chansons, balancées avec cette voix égrillarde, stridulante, entre deux riffs d'harmonica et trois accords de guitare en picking. En branchant les amplis sur tous ces ingrédients de base, en continuant à écrire du dedans vers le dehors, Dylan DEVAIT toucher haut et fort. Et pour longtemps.
Le moment approche de quitter ces pages. On pourrait en ajouter d'autres à ce déjà copieux volume. Par exemple, sur Linda Ronstadt, John Mellencamp, Lyle Lovett, Dwight Yoakam, Sinead O'Connor, Sheryl Crow, Taylor Swift, voire Kurt Vile, Jason Molina, Lambchop, Violent Femmes, Wilco, The Jayhawks, The Men, à chacun, à chacune sa liste idéale. Le voyage n'est pas terminé pour autant. On l'a vu tant de fois au fil de ces chapitres : les chansons peuvent appartenir à qui veut les chanter et les partager. Il faut aussi répéter, même si cela va de soi quand on parle folksong, que le genre n'est pas l'apanage des seuls professionnels. Humbles anonymes, des milliers (millions ?) de chanteurs, chanteuses, viennent grossir cette cohorte. Témoins les innombrables chansons qu'engendrent guerres, atteintes à l'environnement, violences sexistes ou racistes.
Dylan, un soir de 1964 chez lui, chante à Ochs la toute première version de « Mr. Tambourine Man ». Phil est sidéré par la puissance de la vision poétique. Il adore l'écriture de Dylan, le dit et le répète. Bob lui rend la politesse en écrivant, en 1964 toujours, une lettre à Broadside, où il affirme : « je ne peux tout simplement pas suivre Phil. Il s'améliore encore et encore. » Un an plus tard, à New York, les deux hommes discutent chanson dans la voiture de Dylan. Ochs déclare que « Please crawl out your window », le nouveau 45-tours de Bob, n'atteint pas le même niveau que « Like a rolling stone ». Bob fait arrêter le chauffeur et ouvre la portière en disant : « Descends, Ochs. T'es pas un folksinger, t'es qu'un journaliste. »