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Critique de Presence


Ce tome fait suite à Un petit coin de paradis (épisodes 6 à 10). Il contient les épisodes 11 à 17, parus en 2003/2004. Tous les scénarios sont de Brian K. Vaughan.

Épisodes 11 à 15 (dessins de Pia Guerra, encrage de José Marzán junior, couleurs de Pamela Rambo) - Yorick Brown, Ampersand, l'agent 355 et le docteur Alison Mann s'offrent un instant de détente alors que leur train est arrêté pour avarie matérielle. L'agent 355 a trouvé un paquet de cigarettes et en profite pour fumer. Une fois les réparations effectuées, le voyage reprend, mais une passagère clandestine s'installe sur le toit de leur wagon ; il s'agit de Natalya Zamyatin, un officier de l'armée russe. Dans l'espace, l'équipage d'une mission Soyouz a décidé de revenir sur Terre, leurs réserves s'épuisant. L'équipage est composé de 2 hommes (Vladimir et Joe) et d'une femme (Ciba Weber). Depuis un endroit inconnu, le mystérieux commanditaire continue d'informer Alter Tse'elon (officier de l'armée israélienne) des déplacements de Yorick Brown. La distance s'amenuise et la rencontre est proche.

Après un tome exceptionnel sur la différence des sexes, Brian K. Vaughan réalise une histoire plus centrée sur l'intrigue. Il n'y a toujours aucune explication sur la cause de l'éradication de la population mâle, mais la perspective d'autres survivants masculins apparaît. le lecteur retrouve ce qui fait la spécificité de cette série, et de l'écriture de Brian K. Vaughan. Il y a les références la culture populaire régulières et discrètes sans être omniprésentes. C'est ainsi que Yorick constate qu'il est l'homme le fort de la Terre (en comparaison avec Superman) et que son briquet porte une inscription malséante à l'égard du communisme, comme celui que possède Jesse Custer dans la série Preacher. Par la suite il y aura encore une comparaison entre le lieu où se trouvent les personnages et la dichotomie entre Smallville et la Forteresse de Solitude de Superman. Il y a également une utilisation irrésistible de It's raining men.

L'attente de la capsule Soyouz est l'occasion pour Vaughan d'introduire plusieurs nouveaux personnages : Joe, Vladimir, Ciba Weber, Heather & Heidi Hartle, et de développer Natalya Zamyatin. Il organise son récit autour d'un affrontement armé entre 2 factions réduites dans une plaine du Kansas, ce qui fournit le quota d'action à la série. Il continue de tisser les relations entre les personnages, de manière naturelle et progressive, en particulier entre Yorick et l'agent 355. Les personnages sont toujours aussi attachants. L'intrigue en elle-même se présente de manière linéaire (pas de retour en arrière dans le passé). le lecteur en ressort avec l'impression que Vaughan voulait absolument évoquer l'éventualité de cosmonautes, et que son idée principale concernait la fragilité de l'être humain dans ce milieu, à bord d'un engin technologique à la fiabilité limitée. Mais il ne s'agit pas non plus d'un pamphlet sur l'héroïsme (ou l'inconscience) des cosmonautes, ou une charge contre la folie de l'être humain voulant absolument tout conquérir.

Les thèmes principaux du récit sont à rechercher ailleurs. En filigrane, le lecteur constate que la question de l'avenir de la société humaine reste prégnante, quels objectifs se fixer, comment survivre à la disparition des hommes, y a-t-il même un avenir possible ? Faut-il préserver la souveraineté des nations ? Une bonne vieille guerre pourrait-elle redonner un objectif fédérateur à une nation ? Qui peut prétendre à gérer la ressource inestimable que constitue Yorick ?

Le lecteur retrouve également les dessins à l'apparence banale de Pia Guerra. Comme dans les tomes précédents, elle utilise une mise en page aérée (4 ou 5 cases par page) à base de cases sagement rectangulaires. Les personnages présentent une apparence normale et banale, avec un langage corporel mesuré et plausible sans être remarquable. Malgré des bouches entrouvertes pour la moitié des visages, les expressions présentent des nuances inattendues qui rendent bien compte des prises de conscience des personnages, et de leur tristesse, ou de leur désarroi, ou de leur résignation. Les scènes d'action sont d'une lisibilité immédiate, sans jamais être spectaculaires, ce qui est une (contre-)performance en soi quand on pense à la bagarre sur le toit du wagon. Malgré tout, c'est aussi cette apparente innocuité des dessins qui permet de faire croire au lecteur qu'il est possible que Yorick ne soit pas identifié comme un homme à chaque fois qu'il apparaît au milieu d'un groupe d'individus. C'est aussi cette approche graphique basique qui permet au lecteur d'accepter sans broncher que des femmes portent la barbe.

Avec cette nouvelle étape dans le périple de Yorick, 355, Ampersand et de la doctoresse, Vaughan développe plus son intrigue, aux dépends des niveaux de réflexion de l'histoire précédente.

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Épisodes 16 & 17 (dessins de Paul Chadwick, encrage de José Marzán junior, couleurs de Pamela Rambo) - À proximité de Northlake dans le Nebraska, une troupe d'actrices (The fish & bicycles traveling Theatre Troupe) est en train de répéter une pièce de théâtre. Elle comprend en son sein une enfant de moins de 10 ans. Cayce Thomas (la directrice) négocie avec la mairesse de la ville le droit d'effectuer une représentation. La première nuit dans leur campement, elles récupèrent un singe capucin égaré, avec un mouchoir en guise de couche. Dans la nuit, Cayce décide d'écrire une pièce de théâtre qui mettrait en scène le dernier homme vivant sur Terre (prénommé Lionel).

Brian K. Vaughan s'offre un intermède pour parler d'art et de l'importance d'aborder des sujets d'actualité ou de société. Il évoque bien sûr Shakespeare et les acteurs de l'époque (tous masculins, y compris pour les rôles féminins), Moulin Rouge et le dernier homme de Mary Shelley (s'amusant de la ressemblance du titre avec sa propre série "Y").

La nouvelle pièce est l'occasion d'opposer l'art récréatif (le divertissement) à l'art engagé, et d'introduire une mise en abyme par rapport à sa propre série qui mêle divertissement et réflexion sur les rapports homme/ femme. La référence à Shakespeare permet de légitimer le travestissement de femmes en hommes, en inversant le schéma. Il sort également un petit couplet sur les narrations conçues par des femmes qui seraient plus portées sur l'émotion. Il en profite également pour introduire un nouveau personnage : Toyota qui est une ninja.

Ces 2 épisodes sont illustrés par Paul Chadwick (le créateur de la série Concrete, à commencer par Etrange armure) qui réalise des dessins un peu plus vivants que ceux de Pia Guerra. Étrangement dans certaines cases (sixième page de l'épisode 16), l'encrage de Marzan fait penser à celui de Steve Rude, pour un résultat peaufiné très séduisant.

Cet intermède est agréable, sans être aussi nuancé que la réflexion sur la place des hommes et des femmes dans la société développée dans le tome précédent. Les pérégrinations de Yorick et consort se poursuivent dans Stop/Encore (épisodes 18 à 23).
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