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Critique de TerrainsVagues


Gipsy Blues, arrêtes tes conneries, ça n'a rien à voir avec toute la musique que j'aime… A la limite je suis bon pour me taper du jazz manouche voir du Gipsy King, le truc qui me tape sur le système au bout de trente secondes. Laisse tomber, tu tiendras pas la moitié du bouquin.
Mouais, suffit que je me dise « non » pour que je fasse « oui », c'est pas facile tous les jours…
Je m'étais donc préparé à tout sauf que…je n'avais pas prévu la force de l'écriture de Jean Vautrin. Cette écriture qui me restituerait à ce point les sons du violon qui pleure, le genre de sons qui prend aux tripes.

« En m'adressant à vous, nul doute que je monte à la grande échelle ! Comment savoir si je frappe à la bonne fenêtre ? N'importe ! Je vous fais le dépositaire du seul bien que je possède. Vous n'imaginez pas, monsieur, comme les pages que je vous confie enferment l'idée d'une obsession tenace : ma main a toujours été captive de l'écriture.
Je vous en prie, déchiffrez ma musique ! Découvrez que les fils de la nature, les Kale Roma (les hommes noirs) qui vivent sous des tentes déchirées n'échappent ni à l'angoisse, ni à la douleur, ni à la honte et que nourris de grain empoisonné, souvent ils n'ont de ressources que des gestes désespérés ! »

Ce bouquin commence par la fin. Cornélius va mourir à 24 ans, assassiné par la police. Abattu comme un chien, il aura juste le temps de laisser des carnets, sorte de journal intime, sur le rebord d'une fenêtre en espérant que celui qui les lira honorera sa dernière volonté : tout faire pour publier ce témoignage d'une vie de Rom.

En cette saison d'élection pestilentielle, où les effluves nauséabondes venues des discours de fascisants autour « de vains p(o)ur sang » sont légions, cette plongée dans l'univers des exclus ajoute à la nausée déjà ressentie quant à la bêtise de l'Homme.
Roms, Manouches, Gitans, Romanichels, Tsiganes, Bohémiens, gens du voyage, voleurs de poules, peu importe comment on les appelle, peu importe d'où ils viennent, ils ne sont personne. Apatrides.

« Je pense à tous ces livres qui disent que le Gitan porte dans l'âme un chemin destiné à ne jamais arriver ».

Et même quand un Cornélius a tout et fait tout pour échapper à un destin que la société lui a choisi, la haine du bien pensant ou le communautarisme poussé à l'extrême, le poussera toujours à la révolte, souvent à la violence.
Attention, ce n'est pas une charge contre les Gadjés, tout le monde prend sa part (Manouches compris).

Gipsy Blues est une lecture très contrastée. Beaucoup d'amour qu'il soit passionnel, fusionnel, pudique, beaucoup de violence dans la relation aux autres, de trahisons, de violence carcérale, et puis entre deux coups de coeur ou deux coups de poing, de la poésie, de celle dont j'aime cette définition de Georges Perros (auteur que j'ai découvert dans une critique d'Erik35 http://www.babelio.com/livres/Perros-Jhabite-pres-de-mon-silence/381726/critiques/1304946) « La poésie, c'est le temps durant lequel un homme oublie qu'il va mourir».

Vivre l'exclusion de l'intérieur, même si ce n'est qu'à travers un bouquin, ça remet deux trois trucs à leur juste place. C'est pas pour autant que je vais me taper l'intégrale des Gipsy King mais… je peux dire que… les sanglots longs des violons… m'ont mis à l'envers.

« Je ne suis pas venu à toi
Pour mendier du pain
Je suis venu à toi
Te demander de me respecter ».
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