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Citations sur Les magistrats sur le divan (39)

Quand Nicole Maestracci présidait le tribunal de grande instance de Melun, elle s'était inspirée d'une pratique courante aux Pays-Bas. L'intervision. Les magistrats se regardent les uns les autres. On assiste au fonctionnement du collègue et on le critique en toute confraternité. « Aujourd' hui, seuls les auditeurs de justice sont nos observateurs. Seulement, ils se gardent bien de nous faire des remarques. Ils n'osent pas critiquer le maître de stage. Les magistrats sont par nature individualistes, solitaires. La collégialité est rare. Le magistrat travaille le plus souvent seul. Il faut organiser une remise en cause de ses pratiques. Sinon, au fil des dossiers, on devient répressif. On a le sentiment que les dossiers sont toujours les mêmes. Une accoutumance qui peut être néfaste. Il ne faut pas s'installer dans la routine. Ces réunions permettent de mettre en commun ses connaissances, ses méthodologies. »
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« Mais comment faites-vous pour supporter tout cela? » Cette question, Maryvonne Caillibotte l'a souvent entende dans la bouche de profanes ou de ceux que l'on appelle les laïcs, au CSM. Maryvonne Caillibotte se souvient qu'à Nanterre, la salle de permanence « était à la fois la salle des horreurs, mais également le défouloir. Un peu comme dans la série Urgences. À la fin de la semaine, tout le monde s'y retrouvait: juges, policiers, avocats. Un lieu de briefing et de débriefing. Une soupape de soulagement ». En un mot, certaines pièces d'un tribunal se transforment, en fin de journée, en authentiques salles de garde, à l'image de ce qui se passe dans les hôpitaux. Un humour de carabin. « Si les gens nous entendaient, ils seraient un peu surpris, reconnaît le procureur Erick Maurel. Mais c'est un rire salvateur qui n'est pas irrespectueux. Mais la dérision nous permet de gommer les aspérités de cette souffrance et d'en faire quelque chose de supportable. »
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Pour l'ancien président de l'USM, Christophe Régnard, le magistrat ne peut guère ouvrir son âme à n'importe qui. «Il est difficile de se confier à celui qui est aussi celui qui va vous évaluer. Il est difficile de lui confier des choses qui sont de lordre du privé. » « Le magistrat est jugé et noté sur ses statistiques et sa rentabilité, et non sur son appréciation qualitative, insiste Valéry Turcey. Le bon magistrat est celui qui clôt ses dossiers et dont l'impartialité n'est pas mise en doute. »
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Après avoir été à la tête de la conférence des procureurs de la République, qui, depuis plusieurs années, dresse un bilan alarmiste de la situation des parquets, Robert Gelli occupe le poste stratégique de directeur des affaires criminelles et des grâces. Il a donc un regard lucide et qui fait autorité sur l'évolution du métier. Dans son bureau donnant sur l'arrière de l'Opéra de Paris, il n'est pas le dernier à reconnaitre que l'institution a plusieurs années de retard dans la prise de conscience de la souffrance au travail et des risques psycho-sociaux. Lors de notre entrevue, sa première phrase rejoint notre préoccupation. « Le métier de magistrat est violent. On n'a jamais considéré que le magistrat peut avoir des émotions. Qu'il pouvait affronter tout sans la moindre difficulté. Depuis peu de temps, on se rend compte qu'un magistrat peut être exposé à des situations d'émotions. Aller chez son supérieur hiérarchique n'est pas une démarche naturelle, reconnait Robert Gelli. Nous nous sommes trop centrés sur la gestion administrative. Le chef de juridiction gère bien son entreprise. Mais la justice n'est pas une entreprise. Il faut revenir à l'humanité. »
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Pour Luc Frémiot, avocat général à la cour d'appel de Douai, la cour d'assises est « un théâtre d'ombres digne de la tragédie grecque. "Les gens viennent au procès, masqués. L'intérêt de l'audience est de leur faire tomber le masque, de les démasquer. On a le temps. On peut tout dire. C'est un espace de liberté formidable. Mais la justice ne répond pas à toutes les questions. Ce n'est pas une justice providence. Nous touchons là nos limites alors que la société attend toujours des réponses." »
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Nous sommes passés d'un extrême à l'autre. Inconnue, méprisée, oubliée hier, la victime est devenue omniprésente. Ses dires sont paroles d'Évangile. La victime est forcément crédible. Sa présence au milieu du prétoire est plus forte et plus efficace que les mots des avocats. À tel point que l'avocat général peut prendre la défense de ses intérêts avant ceux de la société.
Reste une constante. La victime, ses proches, attendent de la bstice une réponse ferme. Autrement dit, une lourde condamnation. Bien avant la secondaire question des dommages et intérêts. Parfois, la souffrance est ravivée lorsque le quantum de la peine prononcée n'apparaît pas en adéquation avec la douleur ressentie.
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« On va découvrir, note Jean-Claude Marin, que non seulement le fabricant connaissait le caractère nocif de son produit, mais qu'en plus, il avait racheté toutes les publications scientifiques qui démontraient cette nocivité. Cette affaire ouvre les yeux sur le monde de la grande industrie pharmaceutique, ses moyens, ses capacités à organiser sa défense. »
Malgré l'avis du procureur, le tribunal et la cour d'appel vont buter sur une loi d'amnistie votée après l'élection présidentielle de 1974. Conséquence, tous les dossiers de blessures inférieurs à trois mois vont être rejetés par la justice.
« Il ya donc une partie des victimes qui n'a pas été entendue, qui est restée sur le trottoir. C'est là que l'on voit que certains prévenus, certaines personnes impliquées dans des affaires judiciaires ont des roulcaux compresseurs juridiques qui fonctionnent. On ne peut pas s'empêcher de penser que certains textes doivent beaucoup à des lobbies. De voir, d'un côté, le désarroi des victimes et de l'autre une sorte de cynisme industriel, c'est un choc pour le jeune magistrat. »
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« Vous ne pouvez en parler à personne. Encore nnoins quand vous êtes la seule à occuper cette fonction dans le tribunal. Aucun soutien moral ou psychologique de la hiérarchie, surtout quand le président de la juridiction vous considère plus comme une assistante sociale que comme une magistrate. »
Au bout de quatre ans, Eliane Houlette quitte son poste à Blois pour rejoindre une autre fonction dans une autre juridiction. « Quatre ans, c'est suffisant pour être marquée. Le jour où jai arrêté, j'ai compris que je ne pouvais plus y revenir. » Trop lourd.
Trente ans plus tard, le ressenti est différent dans la fonction qu'elle occupe. «Aujourd'hui, je n'ai pas d'états d'âme. Juge des enfants, j'étais face à la souffrance, face à des parents dépassés par la situation, démunis. J'étais face à des enfants en perdition. II faut les aider dans leur misère sociale, familiale. C'est Zola. À présent il s'agit de personnes qui ne pensent qu'à échapper à I'État, au fisc, qui tentent de profiter de la faille de la loi, qui transgressent les règles de la République. »
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Nous ne sommes pas préparés à nous retrouver face à des personnes déstructurées, qui n'ont aucun lien familial. Michelle Torrecillas, qui fut substitut au parquet des mineurs avant d'être juge des enfants pendant cinq ans à Mulhouse, dresse un constat identique à celui de sa collègue de Créteil. « On est tout seul face à cela. Il y a donc une nécessité de créer des liens avec ses collègues, en se rapprochant par exemple du syndicalisme. On n'en parle pas. On est individualiste, solitaire. On ne peut pas déverser ce trop-plein. On doit donc se freiner soi-même, s'autocensurer. S'efforcer de ne pas être perméable afin de garder son indépendance, la tête froide. »
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«Je ne peux pas m'empêcher de dire que cela abîme un peu. On peut devenir cynique, blasé. Ce n'est pas normal de voir cela toute la journée. Si on est volontaire pour aller voir les pires horreurs, c'est qu'il y a un problème. »
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