LE FROID
Par le soir aigre et violent,
où se meurent, exténuées,
les lumières et les nuées,
vague l'hiver nocturne et blanc.
Les champs dorment si vieux, si morts,
qu'on les croirait frappés d'un sort ;
— qui donc suscitera le vernal sortilège ? —
Tout seul, vers le couchant, là-bas,
triste et discorde, avec ses battants las,
quelque pauvre angélus sonne encore sur la neige.
Les chaumières et les étables
apparaissent si lamentables
que leur misère s'ouvre en plaies;
de clos en clos , le long des baies,
on voit sur des bâtons branlants
sécher et se geler au vent,
le linge gris des pauvres gens.
Les villages comme amoindris
serrent leurs toits et leurs taudis
et rassemblent leur peur ;
ils s'alignent, au bord des routes mortes,
où chaque être , dessous la porte,
glisse en biseau, sa coupante lueur.
La neige a répandu ses laines
et ses flocons parmi les plaines
et dispersé sa haine,
en rafales folles et vaines.
Elle a jeté ses mille loques
minuscules, qui s'effiloquent,
à travers champs, en chaque coin,
où de grands arbres de silence
échelonnent leur vigilance
vers l'infini , de loin en loin.
Sol blanc, ténèbres claires.
Aux carrefours, les croix crépusculaires
dressent leur christ vers l'immense douleur,
mais le sang pur qui lui coule du torse
ne tiédit pas le gel féroce
dont les amas rugueux semblent charger son cœur.
Par le soir aigre et violent,
plus vieux que ne sont les années
autour du temps agglutinées,
vague l'hiver nocturne et blanc.
Au bord du quai
Et qu'importe d'où sont venus ceux qui s'en vont,
S'ils entendent toujours un cri profond
Au carrefour des doutes !
Mon corps est lourd, mon corps est las,
Je veux rester, je ne peux pas ;
L'âpre univers est un tissu de routes
Tramé de vent et de lumière ;
Mieux vaut partir, sans aboutir,
Que de s'asseoir, même vainqueur, le soir,
Devant son œuvre coutumière,
Avec, en son cœur morne, une vie
Qui cesse de bondir au-delà de la vie.
- Ouvrez, les gens, je suis la pluie,
je suis la veuve en robe grise
dont la trame s'indéfinise,
dans un brouillard couleur de suie.
Au bord du quai
(...)
Et qu’importe d’où sont venus ceux qui s’en vont,
S’ils entendent toujours un cri profond
Au carrefour des doutes !
Mon corps est lourd, mon corps est las,
Je veux rester, je ne peux pas ;
L’âpre univers est un tissu de routes
Tramé de vent et de lumière ;
Mieux vaut partir, sans aboutir,
Que de s’asseoir, même vainqueur, le soir,
Devant son oeuvre coutumière,
Avec, en son coeur morne, une vie
Qui cesse de bondir au-delà de la vie.
(...)