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Critique de Patsales


Ç'aurait pu être une tragédie: meurtre, suicide, unité de temps et de lieu, fatalité de l'abjection qui s'attaque aux petites gens... Mais en fait non.
Ç'aurait pu être un grand roman social, au milieu des pêcheurs et des ouvriers, "une population depuis longtemps rompue à l'échec", les deux pieds en Bretagne et la tête sous les embruns... Mais en fait non.
Ce roman refuse d'être où on l'attend: c'est ce qui fait sa force et qui le rend jubilatoire. Mais c'est aussi sa faiblesse.
Kermeur explique au juge comment il est devenu un assassin. Mais est-ce vraiment lui qui parle? J'ai tiqué sur certains passages, comme celui-ci: "Lazenec a lancé: Ah oui, c'est vrai, vous m'avez parlé de cette petite servitude.
Servitude? j'ai dit, quelle servitude?
[...] le Goff [...] lui-même ne pouvait pas s'attendre à l'emploi d'un mot pareil, [...] alors il s'est débrouillé [...] pourvu qu'à la fin je comprenne que "servitude" ça ne voulait peut-être pas dire esclave, mais enfin ça voulait quand même dire "épine dans le pied".
J'ai un peu de mal à croire que "servitude" puisse apparaitre comme un mot compliqué, d'autant plus qu'à la campagne presque tout le monde en jouit ou en concède. Mais Tanguy Viel a trouvé que ce serait dommage de ne pas installer d'emblée la relation entre Kermeur et Lazenec sous le signe de la lutte des classes en jouant sur le double sens de servitude.
Voilà ce qui m'a gênée dans ce bouquin: qu'on décèle si souvent et si facilement la voix de Tanguy Viel, ventriloque de Kermeur.
D'autant plus que ce malheureux Kermeur aimerait bien avoir une vie, mais qu'il chemine sur une route lestée de symboles. Déjà que la femme qui le largue s'appelle France. En plus il joue au loto sauf le jour où il aurait dû gagner. Et surtout il parvient à prendre à l'envers la Grand Roue du Destin. Comme si Viel ne faisait pas confiance à son personnage pour exister et qu'à défaut de vie il lui assigne un destin. le juge aussi pâtit de cette surenchère interprétative. Comme il trouve que Kermeur s'est conduit en idiot, il ne se contente pas de le lui faire entendre: "[Le juge] disant: Kermeur, bon sang, Kermeur, mais qu'est-ce qui vous a pris? en même temps qu'il donnait un coup de poing sur son bureau, et presque balayait d'agacement les documents dessus." Il faudrait qu'il maîtrise ses nerfs, le juge.
N'empêche. Malgré tout, Article 353 du code pénal se lit avec bonheur et ce serait vraiment dommage de s'en priver. Car c'est un livre sacrément malin. Mais ce n'est pas un grand livre.
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