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Critique de motspourmots


Qu'est ce qui fait qu'un livre vous percute ? On lit avec ce qu'on est, bien sûr. Avec son vécu, ses failles, ses chagrins et ses regrets. Ses joies aussi mais les livres qui rendent heureux ne vous percutent pas. Non, ceux qui vous percutent sont ceux qui portent la plume là où ça fait mal. Touchent une zone sensible, fragile. Mais pas seulement. Il faut la qualité de la plume. Il faut les mots justes, il faut les creux aussi, pour accueillir les mots que le lecteur pourrait écrire à son tour. La précision, le dépouillement presque extrême. Les phrases de Delphine de Vigan ont l'air si simples. Tout un art. L'émotion m'a sauté à la gorge dès les premières pages et ne m'a plus lâchée jusqu'à la fin. Les mots sont si justes pour décrire la plongée dans la vieillesse, la dépendance. La finitude.

"Vieillir, c'est apprendre à perdre".

Michka en fait l'amère expérience. Les mots lui jouent des tours, elle dont ils étaient le quotidien dans son métier de correctrice pour un grand magazine. Les mots la fuient, s'embrouillent, se transforment. La peur prend le relais. Peur d'oublier complètement. Alors ce sera l'Ehpad parce qu'elle ne veut pas être une charge pour Marie, cette jeune femme dont elle s'occupait lorsqu'elle était petite et négligée par sa mère. A son tour, Marie veille sur Michka. Et aussi Jérôme, l'orthophoniste qui intervient auprès des résidents pour tenter de ralentir le travail de sape du temps. "Il faut lutter. Mot à mot. Pied à pied. Ne rien céder. Pas une syllabe, pas une consonne. Sans le langage, que reste-t-il ?". Mais la peur de Michka se déploie sur un terrain bien précis : partir avant d'avoir exprimé son extrême gratitude au couple auquel elle doit d'avoir la vie sauve. Les retrouver au plus vite, voilà son dernier espoir.

J'ai lu ce livre deux fois. Parce que la première, j'avais l'impression que ma propre émotion était trop forte, trop incarnée et qu'elle brouillait ma perception du texte. Peut-être en faisais-je une lecture trop personnelle ? Alors j'ai laissé passer quelques semaines et je l'ai relu. Avec plus de détachement, et la connaissance des ressorts dramatiques. J'ai moins pleuré, certes. Mais j'ai encore pleuré. Des larmes différentes, plus riches, nourries par les mots auxquels j'ai prêté plus d'attention. Oui, les phrases ont l'air si simples et pourtant...

Je suis vraiment admirative de cette écriture pensée pour mettre les sentiments à nu avec une évidence désarmante. Pour moi, Les gratitudes est un très beau roman, touchant dans sa façon de révéler la fragilité de l'être humain, aussi courageux soit-il. Un roman que j'ai envie de garder près de moi. Tout près.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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