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Critique de Bluebells


On suit, pas à pas, les mots sur le chemin de ce roman atypique qui navigue entre prose et poésie. "L'écorce des phrases" (je cite) se fait tendre et nous raconte la force des êtres qui voyagent, immobiles, et transmettent par la pensée ce que diffusent "les plis des vagues". J'ai aimé l'humour de l'héroïne qui se demande si elle ne va pas manger "un croque-monsieur" au wagon-bar, elle qui n'aime que les femmes, sa passion n'ayant d'égale que celle éprouvée pour Marguerite Duras. Dont on devine, au cours de l'histoire, le chuchotement bienveillant et entraînant.
Au début du roman, l'homme du train, apparaît comme une tentation possible, le héros d'un univers parallèle, on se demande si Nora ne va pas répondre à son appel... mais l'extravagance vient d'ailleurs, revient à l'origine d'une amitié particulière... On n'a pas envie de le perdre. Il reviendra. Avec son prénom de rouge-gorge qui symbolise la passion.
La force des mots surgit parfois d'une apparente banalité. On voit le mari de l'amie conduire une voiture "d'un gris métallisé" et c'est toute son identité masculine, mentale, physique, qui nous est donnée. Cela n'a l'air de rien mais l'évocation s'impose, il en est ainsi tout au long du roman. Qui pourrait être le scénario d'une pièce de théâtre, avec ses dialogues hors du temps, qui en disent long, eux aussi, avec, parfois, une sensation de choeur antique. Quand Nora envisage la mémoire comme "le seul édifice intérieur", impossible d'oublier combien cet édifice est vulnérable ! C'est sans doute pour en garder les vestiges, si jamais il s'écroulait, que Nora remonte les souvenirs dans la confusion du présent. Ce livre est un voyage en nostalgie, le récit d'une rencontre réelle et impossible. Nora se croise entre toutes les femmes, mères, filles, amies, celles qu'elle aurait pu être et celle qu'elle a été, sans avoir le temps de toutes les consacrer. Roman à lire en été, en hiver, assis paisiblement, au soleil, au coin du feu de bois ou dans tout autre lieu quand on s'accorde le temps de reconnaître, dans l'introspection de l'autre, qu'il est impossible "d'anticiper le temps", tout en l'actualisant, cependant, par les souvenirs, les désirs et les rêves. Il y a, dans ce roman, comme un tableau de Hopper. On imagine la femme figée qui, soudain s'anime, nous emmène dans ses journées et puis revient se poser, une tasse entre les mains, droite, dans un concentré de lumières, le regard lointain, posé sur l'aile de l'avenir.
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