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Critique de RobertFillon


Dès avant sa naissance, Amie nous était connue, littérairement parlant. Dans « 7 millimètres » (taille de l'embryon), Thierry Vimal nous racontait avec sincérité ses tourments de futur père. Etrangement, l'homme dont une femme porte l'enfant peut être sujet lui aussi à toute sorte de malaises, y compris physiques : c'est ce que l'on appelle la « couvade ». L'angoisse de l'homme qui va être père, comme si lui-même était « enceint », comme si se transmettait, de sa compagne à lui-même, tout ce qu'entraîne pshysiologiquement et moralement un enfant pas encore né. Depuis, nous attendions la suite de ce parcours intime : Amie allait grandir, la famille s'agrandir sans doute, Thierry Vimal allait évidemment, comme dans « 7 millimètres », trouver des points de vue originaux, tendres et poétiques pour évoquer la suite de son aventure de grand adolescent désormais « chargé de famille »…

Mais Amie n'a pas grandi, non. Pas au-delà de ses douze ans, pas au-delà de ce 14 juillet 2016 plein d'horreur et de sang sur la Promenade des Anglais à Nice.

Amie est morte dans l'attentat. Ce jour-là et les semaines suivantes, son père a tenu un journal. Il nous raconte les moindres détails de sa vie : la douleur, d'abord, qui va et vient, se fait oublier brièvement et à d'autres moments devient insupportable. Douleur qui brise un couple déjà en grande difficulté, chacun la vivant à sa manière, incompatible avec celle de l'autre. Mais douleur aussi qui attire des professionnels de la compassion intéressée, des mythomanes aussi, tapis en embuscade et prêts à sauter à la gorge du malheur dès que celui-ci se manifeste. On connaît la rapacité humaine, on ne l'imaginait pas si « réactive »…

S'y ajoutent les innombrables complications bureaucratiques, les réseaux sociaux toujours prêts à déverser sur vous leur bêtise et leur haine, la gestion du quotidien et l'attitude à adopter avec la fille cadette qui a perdu sa soeur. Bien sûr, conjonction mauvaise de planètes, c'est aussi le moment où les parents de l'auteur se trouvent en difficulté parce que leur pharmacie est menacée de liquidation.

Thierry Vimal nous fait partager tout cela. Tout au long de ces mille pages (il n'en fallait pas moins et on le comprend en le lisant), nous sommes à ses côtés. Comme si nous faisions partie de sa tribu. Comme si nous pouvions, à tout instant, lui chuchoter à l'oreille ainsi que le fait Amie qui vient souvent, d'entre les morts, tenir à son père le discours de l'adulte qu'elle ne sera jamais à l'enfant qu'il est, d'une certaine manière, redevenu.

Mais ce livre n'est pas un témoignage. Ce livre est le livre par excellence de l'attentat du 14 juillet 2016 à Nice, celui par qui s'accomplit la transsubstantiation d'un drame terroriste et de la perte d'un enfant en une oeuvre littéraire d'importance. Un livre qui raconte un quotidien de souffrance et de chagrin, en prise directe avec les valeurs universelles. Un livre où tant de choses sont offertes et mises en commun, et d'abord l'amour et la perte de cet amour et la manière dont il survit malgré tout ; un livre dont on attend avec impatience la suite. Thierry Vimal est un écrivain qu'il faut lire.
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