AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de TerrainsVagues


Nos cheveux blanchiront avec nos yeux ou comme si à chaque instant où nous perdons le regard d'enfant enfoui plus ou moins profondément en chacun de nous, nous faisions un pas de plus vers l'inéluctable. C'est sans doute la seule véritable définition de la vieillesse.

Avec ce premier roman, Thomas Vinau, caché derrière son personnage Walther, traverse une période que certains appelleront « déprime ».
Je ressens plutôt une triste lucidité sur le non sens de la vie pour ceux qui comme moi, avec regret, ne croient pas aux belles légendes ni aux gens qui marchent sur l'eau.
Quatre vingt onze pages d'instantanés, de pensées qui lient des petits riens du quotidien à un essentiel qui lui échappe.
Comment être heureux en étant conscient en permanence que chaque seconde qui passe est morte née ? Chaque respiration est déjà un instant tanné, une photo jaunie. Chaque souffle attise les braises d'un feu de joie où se consument les souvenirs. Ces souvenirs bâtis sur les cendres de la seconde qui vient de s'éteindre.

« J'ai l'impression d'être de plus en plus loin de ce que je vois. de plus en plus loin à l'intérieur de moi. de capter la réalité à la longue vue. C'est classique. On se dit tiens il pleut, et il fait déjà beau. On se dit, je l'aime, elle est déjà partie. On se dit c'était bien, c'est fini. A croire que vivre équivaut à s'éloigner lentement du monde. A lui courir après ».

Pas facile de ne pas se perdre quand à l'en vie vient toujours s'opposer l'en nuit. L'ennui de ne pas avoir de réponse sur l'utilité d'être là, sur la futilité du quotidien. Notre passage est furtif. Pourquoi, quel intérêt, dans quel but?
Pas simple non plus de se poser ce genre de questions quand on va devenir père, quand on se dit qu'on va condamner à perpétuité au non sens, un être qu'on va aimer plus que tout.
C'est probablement ça qui le fera fuir quelques temps. le temps d'aller enfouir ses peurs dans les vapeurs d'un port, dans l'hypnotique roulis d'un train de nuit. La route pour se retrouver ou plus certainement, se trouver.

« Walther » a une chance exceptionnelle dont il a conscience. Sally.

« Il est incroyable de constater l'endurance avec laquelle tu t'occupes de moi, m'écoutes, me supportes et me comprends. La vraie question est de savoir comment tu peux encore t'intéresser à cette imposture que j'incarne, à ce chat peureux qui se fait passer pour un lion. C'est à croire que tu es sourde au vacarme de mes défaites, que ce n'est pas cette musique là que tu écoutes, ou que tu aimes le bruit déchiré de ma peau lorsque j'enlève les masques. C'est à croire que tu m'aimes bien au-delà de moi ».

Et puis « la grande chose ».

« On est dans la course. On reste dans la course. On court après les petites choses. On perd. On se débat. On garde le gouffre sans regarder au fond. Les jours nous marchent dessus. On court derrière.
(…)
On veut croire qu'on ne nous reprendra pas ce qu'on nous a donné. On veut croire à demain. On reste vigilant.
On ne peut pas vraiment y croire. Pas totalement. On garde le goût des absents. le goût des peines. le goût des pertes. On ne veut pas y penser.
La grande chose nous tient debout. La grande chose est minuscule. Elle tient toute entière dans nos bras. Elle tient toute entière dans nos coeurs. On est là. On veut être là. On reste là. On continue ».

Sa femme et son fils vont être le sens qu'il va donner à son existence. Un sens qui ne dissipera pas tous ses doutes mais qui au moins lui donnera un but. Ce qu'on appelle , pour se rassurer, la maturité.

L'écriture de Thomas Vinau est déjà très contrastée dans ce premier roman. Percutante et douce, cynique et tendre. Des phrases courtes d'où s'échappent souvent de vrais moments de poésie.
Beaucoup de mélancolie dans ces pages même si Thomas « Walther » Vinau tente d'apprivoiser quelques trouées dans les nuages de ses pensées.
J'ai aimé ce journal intime sans concessions, ce genre qui parle ou pas à chacun, selon son vécu, ses sensations, sa sensibilité.

Voilà, la boucle est bouclée puisqu'après « La part des nuages » et « Ici ça va », j'ai enfin lu l'origine du « triptyque ». L'avantage d'avoir lu son tiercé dans le désordre c'est que je suis rassuré quant à la suite puisqu'ensuite vient « Ici ça va » et qu'effectivement, ça allait très bien.
Commenter  J’apprécie          5412



Ont apprécié cette critique (51)voir plus




{* *}