Les frères et sœurs du Che s'étaient promis de ne jamais parler de leur illustre grand frère. Ils étaient alors sous le coup de la mort de celui qu'ils admiraient et chérissaient tous. Aujourd'hui, cinquante ans après cette promesse, Juan Martin, le cadet de la fratrie (né 15 ans après Ernesto), décide de raconter son frère aîné à la journaliste Armelle Vincent.
Issus de l'aristocratie, les parents Guevara sont des originaux sans le sou qui élèvent avec amour leurs cinq enfants dans un esprit de liberté et de culture de gauche (principalement Célia, la mère). La famille déménage beaucoup pour s'installer chez les membres de leur vaste et fortunée parentèle ou dans des maisons délabrées. Une éducation bohème et intellectuelle dont le Che a probablement tiré son goût pour les voyages et l'engagement politique qui finissent par inquiéter ses parents. A juste titre, puisque son idéalisme et sa haine de l'impérialisme américain trouvent avec la rencontre de Fidel Castro le moyen de s'exprimer, mais le conduit à sa perte. Sa participation à la révolution cubaine qu'il tente d'appliquer à d'autres pays le mène en Bolivie où il est abattu par l'armée régulière.
Forcément partial, car il est celui d'un frère aimant évacuant les aspects les plus sombres de l'engagement révolutionnaire du Che, ce portrait est néanmoins touchant parcequ'il révèle, un fils, un frère, un ami fidèle et affectueux. Un intellectuel courageux soucieux de défendre les opprimés, mais théoricien de la révolution plus que leader, qui a payé de sa vie le fait de n'avoir pu entraîner suffisamment d'hommes dans ses actions subversives.
Un grand merci à Babelio et aux Editions Calmann-Lévy pour cette lecture instructive.
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Sur le Che, je ne sais pas grand chose. Je sais son visage pour l'avoir vu placarder sur les murs, les corps, les T-Shirt… je sais son étiquette: « guérilleros révolutionnaire », son combat contre l'impérialisme, le capitalisme mais à part ça je ne sais rien. Strictement rien. Je ne sais rien de lui, de sa vie, de son histoire, de ses idées, l'étiquette politique qui lui ait collé ne suffisant pas à le définir, tous les révolutionnaires et les anti-capitalistes ne se ressemblant pas, en effet. Pour prétendre à le connaitre, politiquement en tout cas, il faut donc aller lire ses idées, ses pensées versées sur le papier. Ce que je ferai. Mais je voulais d'abord et avant tout, en lisant le livre ici commenté, un peu le découvrir. D'où vient-il? Qui est-il? Quel est son parcours, son histoire? Je voulais l'approcher à travers le regard de son frère et j'ai fait bien fait car ce livre que j'ai trouvé merveilleusement touchant, émouvant m'a permis un peu de le rencontrer, de l'approcher. Il a fait naître, de sucroît, chez moi, une immense curiosité. Juan Martin Guevara, en racontant son frère, sa famille, son parcours m'a, en effet, donné envie de découvrir tout ce que je ne sais pas sur l'Argentine, sur Cuba, sur Fidel Castro. Il m'a donné envie de lire, avec urgence, sans plus attendre, les écrits d'Ernesto Che Guevara. En cela il a réussit son pari; lui qui, par son témoignage, a voulu mettre un terme à la mystification de son frère, lui qui a voulu remettre du contenu dans cette coquille depuis longtemps vidée, lui qui a voulu faire revivre ses idées. Juan Martin Guevara a mille fois raison de rappeler et de crier l'évidence: Che Guevara n'est pas une star, une icône, une célébrité. Il est une idée, une pensée, une lutte, un combat qu'il faut, par les temps qui court, se rappeler. Avec justesse, il écrit:
« Sous le masque de l'icône ou du guérillero, si attrayant soit-il, il y avait un contenu qu'il fait répandre. Qui connaît la pensée du Che? Presque personne! Il est pourtant l'un des grands penseurs marxistes du siècle. le gens doivent se rendre compte que cet homme n'était pas juste bon à prendre les armes. Il se disait aventurier, mais de la race de ceux qui n'hésitent pas à donner leur vie pour vivre en harmonie avec leur vérité, à mourir pour leurs idées. Il est primordial de comprendre qu'Ernesto était au départ une personne morale, sinon ordinaire, qui est devenue un être exceptionnel que d'autres peuvent et doivent imiter. Les grands hommes sont rares mais ils existent! »
« Les gens intéressés par la pensée d'Ernesto doivent pouvoir entrer dans le terrain de la transformation de la réalité, de la pensée politique, idéologique, philosophique et culturelle pour aboutir à cet hombre nuevo qui le préoccupait tant. Un changement radical de société, une société basée sur la justice, devait et doit impérativement passer par une métamorphose totale de l'homme, pas seulement du maître ou du patron mais aussi de l'esclave et du travailleur. »
« La stratégie a donc été de le mystifier, de le crucifier pour que l'humanité cesse de le considérer comme réel, tangible. S'il est un mythe, comment suivre son exemple? Il n'est plus un homme de chair et de sang mais une figure fantasmagorique inacessible, impossible à égaler. Au fur et à msure que sa légende s'est amplifiée, sa pensée s'est dépréciée. Il est devenu une coquille magnifique mais vide. »
Ne vous attendez pas, en lisant ce livre, à une « objectivité » (si tant est qu'elle existe). C'est le frère qui parle, le petit frère, celui qui aime, respecte et admire son aîné. C'est forcément plein d'amour, de tendresse et d'émotion. C'est un beau témoignage qui ouvre la porte à la curiosité. C'est d'une agréable authenticité. C'est forcément à conseiller.
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