AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de michfred


Faisons d'abord un sort au titre français, très mal choisi , et frôlant carrément le contresens: tout le monde s'en tape, chez Simona  Vinci,  d' Où sont les enfants-  une  antienne sans doute tirée du Sido de Colette, où ladite Sido, bonne mère,  courait la campagne bourguignonne à la recherche de ses petits sauvageons, en mère poule toujours inquiète, regroupant ses poussins à toute occasion. La maison d'édition avait-elle seulement lu le livre pour proposer un titre pareil? Où sont les parents, peut-être,  à la rigueur...et encore...

Le titre italien a une tout autre résonance : "Dei bambini non si sa niente",  ce qui est une traduction. ..du français, Marguerite Duras dans' La pluie d'été', citation liminaire du livre:

"Toutes les vies étaient pareilles, disait la mère, sauf les enfants. Les enfants, on ne savait rien.
C'est vrai, disait le père, les enfants on sait rien."

Tout le livre est dans cette étanchéité, cette opacité du monde des enfants - monde impénétrable, imperméable à celui des adultes. Et tout vibrant, pourtant  , frémissant, tendu vers lui, de toute la force de sa curiosité, de toute la montée de sa sève, de tout le remuement de ses hormones.

Martina, Greta, Matteo, dix ans,  Luca , Mirko, quatorze ans, se retrouvent, les soirs si longs et lumineux d'été, dans  leur QG secret, une cabane perdue dans la campagne romagnole.

 Leur cité, dans la banlieue de Bologne, est isolée, entourée de champs, de rivières et de bocages. Ce sont tous de bons élèves,  et tant que les notes sont bonnes, que les heures de permission sont respectées,  les parents, grands absents de cette histoire vécue au niveau des ados, leur fichent une paix royale.

On se doute un peu qu'ils ne jouent pas seulement à la play station, dans la cabane, qu'ils ne se contentent pas de chahuter joyeusement sur les vieux matelas ramenés de la décharge ...C'est l'âge du touche-pipi, même si les deux "grands"ont déjà quelques notions de la chose...Les revues pornos que Mirko leur rapporte dieu sait d'où se chargent de combler leurs lacunes et orientent leurs découvertes sexuelles.

Dès le début on sait, par une structure en flash black , assortie du leit motiv d' une marche angoissante et nocturne à travers la campagne , que ce qui s'est passé entre eux, là-bas, a tout détruit. Définitivement. Et qu'ils sont dans l'attente d'une sanction catastrophique.

On suit donc le coeur serré,  comme dans un vrai thriller, le glissement progressif du plaisir au délit,  de la découverte de l'autre à l'aliénation de soi.

Sauf que ce n'est pas un thriller. Sauf qu'il n'y aura pour le lecteur-voyeur aucun dénouement cathartique. le recit s'arrête où il a commencé:  dans le chant désolé de la petite Martina qui pleure son enfance dévastée. 

Dur, très dur. Lourd, très lourd, ce "vert enfer des amours enfantines". ..

 Aucune vulgarité dans le récit, qui tout en abordant les faits avec une rare frontalité, et dans  une progression impitoyable, adopte le langage, fort peu technique et très concret, d'enfants encore innocents sur le plan sémantique.

C'est un vrai tour de force, pour un sujet qui aurait pu être franchement scabreux.

Pas d' angélisme non plus: si la responsabilité de l'un des enfants, déjà gangrené par le monde de certains adultes prédateurs, est plus engagée que celle des autres, tous sont partie prenante d'un fonctionnement perverti du "groupe" qui pourtant paraissait offrir, aux yeux des parents, toutes les garanties d'une auto régulation et d'une auto surveillance...

A déconseiller aux âmes sensibles, malgré une écriture et un propos impeccables de bout en bout.
Commenter  J’apprécie          450



Ont apprécié cette critique (43)voir plus




{* *}