En 2020, le président se « félicite de la lancée de la campagne de vaccination » – elle a pourtant été bien tardive –, et nous enjoint à « être fier de notre système de santé » ; Jean Castex se « félicite de l’adoption du passe vaccinal qui est un « cran de plus pour que les Français aillent se faire vacciner » ; Jean-Michel Blanquer se « félicite d’avoir maintenu les écoles ouvertes » ; Manuel Valls se « félicite des résultats de la police à Marseille » ; Brice Hortefeux se « félicite d’être le seul à avoir fait baisser le nombre de clandestins en France », etc. Des louanges et des autocélébrations ad nauseam.
L’illusion n’est pas qu’une démonstration de muscles destinée aux adversaires. La plupart du temps, entre hommes, l’autofélicitation marche à plein régime : à la fin, ils croient eux-mêmes être des génies.
Cela n’existe pas, « être pro », en politique. Prendre une décision, c’est faire primer un intérêt sur un autre. C’est un choix. Ce n’est jamais technique, c’est toujours idéologique.
Or, depuis les années 1970, la non-mixité s’est répandue comme un moyen de résistance dans la plupart « des mouvements qui luttent activement contre la masculinité blanche hégémonique, et notamment chez les féministes, les mouvements antiracistes ou LGBTQI. Cela permet de réfléchir ensemble aux différentes caractéristiques de la domination subie et de se constituer, justement, en corps social. Mais pas contre les autres. La création d’une identité n’est pas nécessairement exclusive des autres. Comme ils réfléchissent à partir de leur point de vue, ces hommes lambda sont incapables d’imaginer que des groupes sociaux différents puissent avoir un autre logiciel que celui d’écraser son prochain.
Pour adopter cette démarche critique, une première étape est essentielle : il faut briser la façon dont les hommes nous observent, pour nous autoriser à les regarder à notre tour. Casser ce regard avilissant qu’ils portent sur nous autres, dès que nous nous éloignons de leurs caractéristiques hégémoniques. Ce regard que nous voyons se répandre dans la plupart des films, dans la publicité, les émissions de radio, sur les plateaux de télévision, dans les journaux, et les conversations des bistrots, dans leur représentation du religieux, dans les repas de chasse et les repas de famille, dans leur façon de nous parler, de nous détester parfois, de nous mépriser souvent. Nous sommes vues comme un corps, uniquement, une chose, dont on peut disposer, se servir, asservir.
Alors je vais le tambouriner jusqu’à ce que cela perce les crânes : la colère des femmes n’a pas moins de panache que la colère des hommes.
Or, s’il est fait beaucoup de cas et c’est bien normal, de la probité financière attendue des député·es, nous considérions que les violences faites aux femmes nécessitaient au moins autant d’attention que la validation de tickets de caisse et des factures des élu·es.
Quand les hommes ne peuvent nous faire taire, la décrédibilisation est une autre arme à disposition.
Depuis, une femme a porté plainte pour viol contre Jean-Michel Baylet. Elle était fille de sénateur, elle avait 12 ans et lui 35.
Lorsque nous avons monté Chair collaboratrice, nous avons eu peur de nous faire virer : une réelle pression venait de partout, des collègues aux élu·es, qui considéraient que nous abordions une sphère interdite. Aujourd’hui encore, il semble plus grave de dénoncer la violence que la pratiquer.