Il y avait en fait à Cnossos deux états opposés : la pesanteur et la légèreté. L'intuition d'un drame secret aux conséquences inconnues, qui alourdissait l'atmosphère, et la grâce des éléments croisés entre eux dans une harmonie divine : la mer, le ciel, la terre se conjuguaient admirablement et faisaient de cet endroit de l'île un lieu singulier, unique au monde.
C'EST AINSI QUE TOUT DUT SE PASSER : une vie sans espoir de connaître le jour, de voir l'aube se lever, puis céder sa place au jour, de sentir sur sa peau le vent chaud qui vient de la mer, de humer toutes les odeurs qui circulent dans l'air, de croiser d'autres hommes et d'autres femmes, de voir aussi les oiseaux s'envoler dans le ciel. Une vie vouée à la nuit du labyrinthe, à entendre dans le silence des cavernes, répercutés de pièce en pièce, les rugissements du Minotaure, ses cris d'affamé, satisfait des victimes qu'on lui apporte et que l'on jette au seuil des grandes portes de bronze.
C'était ainsi, oui, une vie implacable, « sans pardon, sans pouvoir se révolter, parce que cela ne sert à rien », a toujours dit Dédale, mon père, puisque tout est clos pour tous les hommes, sans possibilité de fuir. Tout était semblable, pour Ie Minotaure, prisonnier du labyrinthe, comme pour les hommes. D'une manière ou d'une autre, la vie n'est que dédale, sentiers infinis, sans terme et sans espoir. « Après le Minotaure, ce sera notre tour, avait prédit Dédale, il faut bien que la roue tourne... »
(INCIPIT)