AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Fleitour


Le dictionnaire philosophique de Voltaire, se présente à nous, comme une sorte de bréviaire des idées les plus essentielles que le turbulent Voltaire souhaitait soumettre au lecteur, un traité sur l'usage de la raison. L'ensemble est attractif, un peu comme la philo pour les nuls. Si Voltaire devait de nos jours publier un tel volume il pourrait en effet décliner ainsi ses idées, faites de bon sens, d'ironie, d'étonnements et d'investigations.
On pourrait même imaginer un sous-titre, entre croyance et raison, il faut choisir.


Par la lecture de ce dictionnaire portatif on entre de plain-pied dans les combats de Voltaire. le terme lutte philosophique très explicite, est juste, derrière chaque article c'est une cible qu'il désigne, une erreur qu'il débusque, le fanatisme qui le révolte, une croyance abusive qu'il dénonce.


Pour instruire il ne perd pas un vain mot, il choisit abbé, par lequel il commence son dictionnaire, et par cette question. "Êtes vous Père, traduction d'abbé ou tonsuré pour toucher un bénéfice ?" le ton est donné, il termine le premier article par cet avertissement ; "tremblez que le jour de la raison n'arrive" ; quelle audace !


Les phrases impertinentes fusent ensuite, la religion mais pas uniquement ; sur le mot fanatisme il écrit : "si notre sainte religion a été si souvent corrompue par cette fureur infernale, c'est à la folie des hommes qu'il faut s'en prendre,"
Et le philosophe de préciser que "le plus détestable exemple de fanatisme est celui des bourgeois de Paris qui coururent assassiner, égorger, jeter par les fenêtres, mettre en pièces, la nuit de la Saint-Barthélemy leurs concitoyens qui n'allaient pas à la messe". "Le fanatisme est à la superstition ce que le transport est à la fièvre, ce que la rage est à la colère".


Les mots les plus violents après ceux, qui semblent tourner en boucle sur le fanatisme, sont réservés aux erreurs judiciaires, à la superstition puis à l'injustice sociale. Il prend la plume pour balayer plusieurs mots qui le font frémir le premier, bien qu'il soit à la lettre T est la torture autrement appelée question.


Au lieu de développer longuement la question et (ou) la torture il en donne un exemple simple, celui du chevalier de la Barre convaincu d'avoir chanté des chansons impies et même, d'avoir passé devant une procession de capucins sans avoir ôté son chapeau.
"Les juges d'Abbeville, gens comparables aux sénateurs romains ordonnèrent non seulement qu'on lui arracha la langue, qu'on lui coupa la main, qu'on brûla son corps à petits feux, mais ils l'appliquèrent encore à la torture pour savoir précisément combien de chansons il avait chantées. page 502".


Pour le mot superstition, il se montre fataliste : "chaque secte prétend avoir la raison de son côté ce sera donc la force qui jugera en attendant que la raison pénètre dans un assez grand nombre de têtes pour désarmer la force". Voltaire propose par ailleurs, de discerner la perversité de toute superstition ; "le superstitieux est au fripon, ce que l'esclave est au tyran." Ses dernières piques seront pour l'église, car " elle condamna toujours la magie, mais elle y crut toujours, ou encore, la superstition consiste à prendre des pratiques inutiles pour des pratiques nécessaires".


Au fil des articles de son dictionnaire, Voltaire s'expose il va au bout de ses réflexions, il met en difficulté bien des pratiques de la religion et de la religion chrétienne. Il s'expose beaucoup face aux autorités civiles et ecclésiastiques, c'est une oeuvre dense cohérente mais loin de la rendre rébarbative et ennuyeuse il développe une infinie variété de ton de présentations, d'indignations, en y ajoutant des anecdotes des saynètes pourrait-on dire même des sketches,

Il faut aussi souligner les quelques facéties auxquelles il se livre, tant pour illustrer son propos que pour rendre les textes plus ironiques, comme le pamphlet, l'Apparition de St Cucufin écrit à la même époque, un miracle de drôlerie.


Une lecture d'une modernité surprenante, où l'on peut trouver des réponses au vivre ensemble, ou à la laïcité.
Au plan littéraire d'une qualité formelle admirable à se délecter, on vit au charme de ses meilleurs pamphlets, tout y passe, drôlerie, ironie, invectives une palette digne d'un futur Villiers de l'Isle-Adam.
Excessif, odieux, farceur, vivant...
Commenter  J’apprécie          282



Ont apprécié cette critique (23)voir plus




{* *}