" Sur mon visage triste un sourire recousu
Des larmes de papier qui me roulent dessus " (*)
Qu'est-ce donc ce drôle de livre avec un nom si étrange
Lalalangue, et une couverture bande dessinée très parlante, me suis-je demandé en ouvrant l'enveloppe ? [à noter les bleus assortis de la couverture et du bandeau ceignant le roman, le soin apporté aux détails est une qualité que j'apprécie]
Lalalangue, Prenez et mangez en tous, pourrait être:
- Un conte dessiné pour effrayer les enfants avec une terrifiante mère ogresse au moignon ?
- L'enquête d'une assistante sociale appelée par les voisins pour se pencher sur la maltraitance d'une fratrie nourrie au sein de la folie parentale ?
- Une confession autobiographique, un journal intime ?
Il s'agit en fait du premier roman de l'artiste
Frédérique Voruz écrit à partir de son spectacle seule en scène, créé en 2019.
Une des traditions dans la famille, dont Frédérique est la cadette de 7, est de couper les ailes aux oiselles, de les dévorer et de s'en faire des chapelets de prières pour le monde d'après. Dans celui-ci, aucun plaisir permis, sauf prier Jésus et souffrir pour mériter le suivant
Chez les Marotte, les enfants ont été conçus en nombre pour servir de prothèse(s) au Moignon (la mère), combler le vide abyssal de cette jambe manquante, pallier au déficit du couple parental bancal, se venger de la tragédie arrivée à cette jeune maman alpiniste la privant et de son intégrité physique et de ses rêves.
L'auteure raconte avec ses mots, sa langue, sa tendresse et son humour piquant comment elle est arrivée à se sortir saine et sauve de cette famille dysfonctionnelle, grâce au théâtre, à la psychanalyse et à une solide remise en question.
Se raconter des histoires avec les mots.
Pour ré-enchanter le quotidien ---
le mettre à distance -- le transposer
faire de sa vie une fiction et ainsi
--- l'éloigner de soi
Sortir de l'emprise maternelle, réussir à se confronter aussi bien au regard des autres qu'au sien était une fameuse gageure. Pari réussi. L'enfant a grandi, la femme devenue s'est réconciliée avec elle-même et avec sa mère, qu'elle aime pour ce qu'elle lui a légué (courage, amour du beau, de la nature, des mots) .
Merci @ Babelio et @ éditions Harper Collins, collection Traversée, pour la découverte de cette artiste complète: écriture, théâtre, chant, danse, cinéma et dessin.
Couverture du roman (comme l'affiche du spectacle):
Stéphane Trapier
Dessins:
Frédérique Voruz
Préface:
Simon Abkarian
Soutien:
Ariane Mnouchkine, Théâtre du Soleil
(*) - Mieux vaut rire que pleurer
(*) - Faire l'humour plutôt que la guerre
Blog Artiste: https://frederiquevoruz.com/
Lalalangue spectacle: https://m.youtube.com/watch?feature=youtu.be&v=unpfO2ooQNw
Il faut un certain courage et un courage certain pour parler ainsi de soi sur la place publique, si cela peut aider certains et certaines, le job est fait.
- Faire l'humour plutôt que la guerre -
Il me serait difficile d'offrir ce livre à ma mère bien sûr