Citations sur Paradis du Nouveau Monde (13)
Les essais rassemblés dans cet ouvrage portent sur les thèmes fascinants, et inépuisables, des Paradis terrestres et des mouvements indiens dit « messianiques » dans le continent américain (XVIe-XIXe siècles
Les rêves de bonheur ne sont souvent qu’évasions d’un réel insupportable, fuites dans l’imaginaire, et nous savons trop bien que l’histoire est infiniment tragique : c’est pourquoi le titre ici de Paradis peut aussi bien s’entendre par antiphrase, car il recouvre autant d’effroyables enfers
La découverte d’un monde jusqu’alors insoupçonné suscita en occident d’innombrables hypothèses et fantasmes, qui ne sont toujours des élucubrations dénuées de sens
Après l’examen qui précède de certaines représentations occidentales relatives au Nouveau monde, renversons les perspectives et tentons de nous situer du point de vue des Amérindiens ; ce que nous appelons « grandes découvertes » ou « conquêtes » signifie en réalité pour eux défaites, maladies, invasions, désastres
Dès lors, des phénomènes de diffusion et d’acculturation ne peuvent manquer de se produire, et l’on observe effectivement que les Indiens ne tardent pas à absorber certains éléments provenant des croyances et des pratiques européennes, mais en les inscrivant dans la logique de leurs représentations traditionnelles, de sorte qu’ils les retournent contre la domination des envahisseurs. Le mythe de la Terre sans Mal dérive ainsi vers une accentuation de sa dimension guerrière et conduit au déclenchement d’innombrables révoltes contre le système colonial
« Les temps viendront », « les moments approchent », « le temps est arrivé » : du XVIe au XVIIIe siècle, l’espérance en l’avénement d’une ère nouvelle de justice et de félicité semble constituer, aux divers niveaux de l’échelle sociale, l’horizon d’attente constamment renouvelé des populations andines
Le désastre de la conquête espagnole s’accompagne de la catastrophe inouïe provoquée par les maladies nouvelles (variole, rougeole, grippe, etc.) introduite par les Européens
La mémoire collective perpétue la figure de l’Inca selon diverses modalités : récits mythiques, représentations du théâtre populaire, écrits d’ordre littéraire, arts plastiques. Ces différents moyens de transmission comportent leurs propres complexités et sont chargés d’une pluralité de significations
la mémoire collective de l’Inca fonde des traditions diversement réinventées, d’où n’inévitables ambiguïtés et multiplicités des langages (qui peuvent néanmoins interférer) : le retour de l’Inca ne signifie pas toujours la même chose pour tous, comme en témoignent bien des épisodes des grandes révoltes du XVIIIe siècle
Une dimension messianique et millénariste, plus ou moins souterraine, continue à se perpétuer dans les populations andines, à travers ruptures et changements, comme en témoignent les deux grandes révoltes qui, parmi de nombreux épisodes, se distinguent non seulement par leur ampleur, mais encore par leur immense portée symbolique