Citations sur Les enquêtes du généalogiste : La moisson des innocents (44)
La douleur qui lui tordait les tripes augmenta. « Qu’est-ce que tu veux ? », dit-il en grimaçant. Il avait l’impression qu’on lui enfonçait un couteau brûlant dans l’abdomen, de plus en plus profondément.
Elle haussa les épaules. « Que tu meures. »
– J’ai beaucoup déménagé après avoir quitté l’école.
– Je veux dire, au départ. Tu as un accent que je n’arrive pas à situer. »
Son propre accent, l’accent geordie du Nord-Est de l’Angleterre, s’était estompé. Cela faisait vingt ans qu’il n’avait pas mis les pieds chez lui. D’ailleurs, il n’avait plus de « chez-lui ». Il avala un peu plus de curry.
« Newcastle », répondit-elle.
Merde, pensa-t-il. La panique revint et son cœur se mit à battre plus fort. Il ressentit une brûlure à l’estomac. « Oh », se contenta-t-il de répondre.
Elle reposa son couteau et croisa les bras. « Près de Mackington. » L’accent était soudain plus épais.
Il s’arrêta net de manger. L’inconfort dans son estomac empira. Il posa les yeux sur elle. Son visage avait changé. Plus dur, le regard moins tendre. Elle commença à hocher lentement la tête. Il reconnut quelque chose dans ses yeux. Oh, Seigneur tout-puissant, non.
« Eh oui », lança-t-elle.
Il se leva. Comment ?
« Qui es-tu ?
– Cela n’a pas d’importance, Craig. »
Craig ? Cela faisait vingt ans qu’il avait cessé d’être Craig.
Le sang lui battait les tempes et sa bouche était sèche. Il but une gorgée de vin ce qui n’arrangea ni l’un ni l’autre. Il sentait la panique monter. Mange, s’ordonna-t-il. Cela devrait t’aider à garder le contrôle. Il engloutit quelques morceaux de chou-fleur. C’était bon. Il se sentit mieux.
Dix ans auparavant, il avait payé une prostituée pour coucher. Une expérience pitoyable et humiliante. Toutefois, il préférait cela à la fréquentation d’une femme qui aurait cherché à en savoir plus sur lui. Avec le temps, la compagnie des prostituées était devenue moins humiliante mais de plus en plus déshumanisante
Ne perds pas le contrôle, se dit-il. Reste dans l’instant. Il s’imaginait ne jamais connaître un moment comme celui-là. Elle ne s’était pas enfuie en courant. Pas encore. Sa maladresse risquait de tout gâcher et il s’en voudrait à jamais. Il passa sa main moite dans ses cheveux, se frotta le visage avec la paume, inspira profondément pour la deuxième fois, ramassa les verres et retourna dans le salon.
ela n’allait pas être simple. Une odeur d’humidité flottait dans l’air. Il ne se rappelait pas à quand remontait la dernière fois qu’il avait ouvert une fenêtre, encore moins pulvérisé du désodorisant. Qu’est-ce qui lui avait pris de l’amener ici ?
Son empressement à extirper ce fichu truc en liège était tel que le bouchon finit par se rompre dans le goulot. Il lâcha un juron puis fouilla le tiroir à la recherche d’un couteau qu’il finit par dénicher au milieu d’un fatras de couverts, d’instruments de cuisine et de toutes sortes de détritus. De la pointe de la lame, il fit tomber ce qui restait du bouchon dans le vin rouge. Du même tiroir, il sortit une passoire en métal piquée de rouille à force de ne pas servir et l’utilisa pour filtrer le contenu de deux grands verres. Il se félicita de sa capacité à récupérer la situation et prit une profonde inspiration.
Un porte-parole de la police a officiellement annoncé : « Deux garçons de Mackington sont entendus dans le cadre de l’enquête. »
D’après une source policière, il est possible que monsieur Chester, qui a travaillé pendant quarante-huit ans aux Houillères Mackington, jusqu’à sa retraite il y a huit ans, ait été encore vivant quand on a commencé à l’ensevelir.
Le cadavre présentait de multiples blessures. L’un des inspecteurs a confié au Herald qu’il avait été victime d’une agression d’une « violence inouïe ». Selon toute vraisemblance, ses meurtriers ont ensuite essayé de dissimuler le corps en l’enterrant.