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Critique de Presence


Comme son nom l'indique, ce tome est un recueil de plusieurs récits publiés dans l'hebdomadaire anglais 2000 AD qui fêtait ses 40 ans en 2017. le principe de choix qui a présidé à la constitution de ce recueil est de demander à des contributeurs réguliers du magazine de désigner leur histoire préférée.

(1) Tharg and the intruder (1977, 3 pages, scénario et dessins de Kevin O'Neill, histoire choisie par Henry Flint) - Tharg fait faire le tour d'une partie des bureaux de la rédaction à un adolescent railleur. (2) Meat (2010, 10 pages, scénario de Rob Williams, dessins de Dylan Teague, récit choisi par Tom Foste) - Un membre de l'équipe de nettoyage après crime intervient à plusieurs reprises après des missions de Judge Dredd. (3) The sweet taste of Justice (1981, 10 pages, scénario de Alan Grant, dessins de Colin Wilson, choisi par Dan Abnett) - Judge Dredd intervient dans une opération d'interception de livraison de produit de contrebande). (4) Mutie's luck (1980, 6 pages, scénario d'Alan Grant, dessins de Carlos Ezquerra, choisi par Al Ewing) - Plusieurs mutants ont choisi de tenter leur chance avec les économies de leur communauté dans le plus grand casino en orbite autour de la Terre. Johnny Alpha et Wulf Sternhammer n'apprécient pas que ces mutants se soient fait plumer par un tricheur. (5) The forever crimes (1979, 6 pages, scénario de John Wagner, dessins de Brian Bolland, choisi par Brendan McCarthy) - Judge Dredd enquête sur des cas de chantages, qui le mènent à une clinique spécialisée dans la cryogénie. (6) Shok! (1981, 7 pages, scénario de Kevin O'Neill & Steve MacManus, dessins de Kevin O'Neill, choisi par Pat Mills) Un jeune policier ramène de vieux bouts de robot à sa femme sculpteuse. Il repart pour une intervention, et une intelligence artificielle s'éveille mettant en danger la vie de sa femme. (7) Krong (1977, 5 pages, scénario de Malcolm Shaw, dessins de Carlos Ezquerra, choisi par Mike McMahon) - Judge Dredd enquête sur une série de meurtres qui semblent avoir été commis par des monstres de cinéma.

(8) The Heart is a Lonely Klegg Hunter (2014, 12 pages, scénario de Rob Williams, dessins de Chris Weston, choisi par Alex Worley) - Ce Klegg ressemble à un gros crocodile anthropomorphe, et tous les habitants de Mega-City One s'attendent à ce qu'il se jette sur eux. Il fait l'objet d'une chasse à l'homme par un groupe privé. (9) The Strange Case of the Wyndham Demon (1992, 10 pages, scénario de John Smith, dessins de John M. Burns, choisi par Kew Walker) - le docteur Sin doit arrêter une série de meurtres dans la province anglaise. (10) The Sword sinister (1981, 5 pages, scénario de Pat Mills, dessins de Kevin O'neill, choisi par Dave Kendall) - le brave fermier Olric est choisi par Torquemada pour retrouver l'épée légendaire de ses aïeux. (11) Beyond the wall (1986, 10 pages, scénario d'Alan Grant & John Wagner, dessins de Steve Dillon, choisi par Jock) - Judge Dredd arrête un jeune au comportement anormal. Il va tout mettre en oeuvre pour lui faire avouer ce qui a suscité ce comportement. (12) The runner (2001, 6 pages, scénario de John Wagner, dessins de Duncan Fegredo, choisi par Rob Williams) - Judge Dredd surprend un individu en train de courir dans les rues de Mega-City One. (13) A Close Encounter of the Fatal Kind! (1979, 6 pages, scénario d'Alan Grant, dessins de Carlos Ezquerra, choisi par John Wagner) - C'est l'histoire d'Alec Trench, un scénariste dont toutes les histoires ont été refusées par les éditeurs de 2000 AD. Un jour, il est enlevé par des extraterrestres.

En découvrant ce recueil, le lecteur se dit que l'éditeur de 2000 AD ne s'est pas trop foulé comme façon de célébrer l'anniversaire des 40 ans du magazine : une courte anthologie d'histoires choisies par une méthode fleurant bon le népotisme. Des artistes maison de 2000 AD désignent des histoires parues dans le magazine, dont certaines réalisées par leurs collègues qui ont participé à ce choix. D'un autre côté comment rendre hommage à la longévité de ce magazine, sinon en piochant dans son épais catalogue ? Non seulement il y a plus de 2000 numéros dans lesquels chercher des pépites, mais en plus dans 380 numéros du magazine dérivé mettant en scène Judge Dredd, appelé Judge Dredd Megazine. Une partie des histoires paraissant dans 2000 AD font l'objet d'une édition en album quand il s'agit d'un héros récurrent, comme Judge Dredd, Sláine, ABC Warriors, Rogue Trooper, Strontium Dog, Nemesis the Warlock, Button Man, Sinister Dexter, Nikolai Dante, Devlin Waugh, Ampney Crucis, Indigo Prime, Savage, et tant d'autres. Il existe également une poignée de recueils consacrés à des auteurs (à commencer par Alan Moore), et une autre reprenant des histoires courtes. En tout état de cause, il était impossible d'imaginer de commercialiser un gros pavé avec plus d'histoires courtes qui ne se serait pas vendu.

Avec ce point de vue en tête, il apparaît du coup logique que les éditeurs aient cherché un outil de sélection qui puisse faire figure d'argument de vente et finalement un choix réalisé par des créateurs revêt du sens. Toujours avec ce point de vue, il apparaît légitime que les responsables aient demandé des histoires courtes de manière à pouvoir en faire figurer un nombre significatif. Enfin il était inéluctable que les créateurs effectuant les choix portent leur attention sur d'autres du panel car certains ont construit et développé leur carrière au sein de cet hebdomadaire sur plusieurs années, voire plusieurs décennies pour John Wagner et Alan Grant qui étaient déjà présents au tout début en 1977. le lecteur plonge dans cette compilation avec une histoire de 1977 dans le numéro 24 qui met en scène Tharg, l'avatar du rédacteur en chef. Il sourit en constatant que le recueil se termine avec une autre histoire brisant le quatrième mur dans laquelle il suit un scénariste dont toutes les histoires ont été refusées pour 2000 AD. Alors même que la première histoire ne dure que 3 pages, il éprouve le contentement d'avoir lu une histoire complète substantielle, avec une fin claire. Bien sûr, elle appartient au genre des histoires à chute, avec une forme de justice poétique, mais il est impressionnant de voir que l'auteur réussit à raconter quelque chose de concret en si peu de pages. C'est d'ailleurs une qualité constante pour toutes les histoires retenues. Ces différents auteurs prouvent à chaque reprise que l'art de la nouvelle n'est pas mort en bande dessinée.

Au cours de ces 13 récits, le lecteur constate que Judge Dredd y figure 8 fois. Ce n'est que justice car c'est le personnage récurrent ayant rencontré le plus de succès, jusqu'à ce que sa célébrité permette de créer un magazine dérivé à son nom. L'un des auteurs explique qu'il a choisi une histoire de Dredd parce qu'elle marquait pour lui la cristallisation des caractéristiques du personnage, et un autre parce qu'elle illustre toute son ambiguïté, à la fois professionnel du maintien de l'ordre, à la fois agent de la répression. de fait l'histoire écrite par Rob Williams permet de constater cette ambiguïté, et le fait que la relève de John Wagner (le responsable de l'évolution du personnage depuis plusieurs décennies) semble en bonne voie. le lecteur habitué de 2000 AD éprouve une certaine satisfaction à voir que 2 autres personnages emblématiques du magazine sont représentés, chacun avec 1 histoire : Nemesis the warlock (une création de Pat Mills & Kevin O'Neill) et Johnny Alpha qui a connu une renaissance au début des années 2010 grâce à John Wagner & Carlos Ezquerra. D'un autre côté, il est compréhensible que cette anthologie ne soit pas dédiée à la gloire des personnages récurrents, mais plus à la diversité des récits, et finalement à leurs créateurs.

En faisant le compte, le lecteur dénombre 4 histoires écrites par Alan Grant, 3 par John Wagner, 3 dessinées par Kevin O'Neill, et 3 par Carlos Ezquerra. Ce sont les créateurs les plus représentés. Il y aurait également bien vu figurer plus d'histoires écrites par Pat Mills, mais peut-être que celui-ci a surtout écrit des histoires plus longues. Avec le recul, il est vrai que le ton du magazine et son succès doivent beaucoup à l'humour so british de Wagner & Grant, et à leur vision politique de la société. Ce n'est donc que justice qu'ils bénéficient de plus de mise en avant. de la même manière, Carlos Ezquerra était également présent au tout début du magazine, ayant participé de manière significative à la définition visuelle de Judge Dredd. En outre, c'est un artiste à la forte compétence narrative, même si le lecteur doit s'attendre un petit temps d'adaptation s'il n'a jamais rien lu de lui. de la même manière, le ton narratif si particulier de Kevin O'Neill se devait d'être représenté dans ce recueil. le lecteur peut juste regretter que les histoires choisies ne reflètent pas totalement son approche sans concession, anguleuse et très sardonique.

Le lecteur apprécie qu'apparaisse une histoire de Brian Bolland, artiste dont le degré d'implication dans ses dessins et leur finesse ont marqué à jamais plusieurs générations. Il lui semble d'ailleurs en voir l'héritage dans les pages magnifiques réalisées par Dylan Teague et celles réalisées par Chris Weston. Il tombe également sous le charme des illustrations de John M. Burns, évoquant des tableaux peints, avec une forme de nostalgie pour une Angleterre rurale apaisée. Toujours sur le plan visuel, Duncan Fegredo sait aussi donner de la consistance à l'environnement qu'est Mega-City One, quasiment un personnage à part entière des histoires de Judge Dredd. Chacun de ces artistes sait conjuguer les éléments visuels récurrents de la cité, et des apports plus personnels. Bien sûr, le lecteur apprécie à des degrés divers les différentes histoires, tout en étant à chaque fois impressionné par la capacité de chaque scénariste à raconter une histoire consistante en si peu de pages. En termes d'intrigue, il n'y a que celle écrite par John Smith qui a du mal à convaincre, du fait de sa linéarité, du caractère superficiel du personnage principal, et des méchants démons, mais elle est sauvée par les pages de John M. Burns. Pour les autres, le lecteur retrouve systématiquement une histoire à chute bien trouvée, et une forme de d'autodérision anglaise, avec une fibre humaine touchante.

De prime abord, cette façon de marquer un anniversaire de 40 ans semble un peu légère, manquant d'ambition et peut-être de moyens, avec une forme d'autocongratulations entre créateurs. Après la découverte de ces 13 histoires, l'appétence du lecteur pour 2000 AD s'en trouve revigorée, en s'étant remémorer ou en ayant découvert la qualité des créateurs qui y officient.
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