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Critique de Presence


Ce tome contient les 12 épisodes de la minisérie initialement parus en 2003/2004, écrits par Mark Waid, dessinés par Leinil Francis Yu, encrés par Gerry Alanguilan, et mis en couleurs par Dave McCaig. Ces 12 épisodes forment une histoire complète qui raconte les origines de Superman. Il est donc possible de découvrir le personnage à partir de cette histoire, dont la place dans la continuité a été invalidée depuis.

L'histoire, tout le monde la connaît. La première séquence décrit une planète proche de l'anéantissement : Krypton. Jor-El et Lara Jor-El décident d'envoyer leur fils vers la Terre, à bord d'une frêle navette spatiale, en sachant que le soleil jaune lui donnera des pouvoirs. La deuxième séquence est inattendue puisqu'elle se déroule en Afrique alors qu'un Clark Kent jeune adulte effectue un reportage sur Kobe Asuru, le porte-parole de l'ethnie des Ghuri, dans un pays de l'ouest de l'Afrique. Clark Kent ne sait pas encore comment utiliser pour le mieux les capacités extraordinaires qui sont les siennes : superforce, capacité de vol autonome, vision brûlante, etc. Après ce séjour auprès de ce représentant politique d'une ethnie minoritaire et exploitée, il revient à Smallville dans le Kansas pour mettre au point le mode opératoire auquel il a pensé, en sollicitant l'aide de ses parents d'adoption Martha et Jonathan Kent. Par la suite il décide d'élire résidence à Metropolis et d'y exercer son métier de journaliste au Daily Planet. Il aura la surprise de se trouver confronté à un ancien ami d'enfance : Alexander Jospeh Luthor, Lex pour les intimes.

Ce tome comprend également la proposition initiale pour cette série, écrite par Mark Waid et soumise aux responsables éditoriaux de DC Comics. Pour justifier la série, Waid indique simplement que la nouvelle génération de lecteurs des années 2000 a besoin d'un récit d'origine dans lequel ils pourront s'identifier au personnage principal. Il s'agit donc d'une actualisation de ce récit d'origine, dont la précédente version en cours de validité était celle de John Byrne L'homme d'acier datant de 1986.

Pas facile de trouver un angle d'approche original pour écrire les origines de Superman, personnage ayant été créé par Jerry Siegel et Joe Shuster en 1938 (voir Superman archives 1939-1940). Contre toute attente, Mark Waid décide de prendre le contrepied de plusieurs scénaristes et de faire de Superman la vraie personnalité. Superman a donc créé son identité secrète de Clark Kent, uniquement pour garder les pieds sur terre, ou en tout cas un contact direct avec les valeurs de l'humanité qui sont les siennes. Superman a une conscience aigüe d'être un extraterrestre, une minorité à lui tout seul, un immigrant, dans l'impossibilité de s'intégrer du fait de ses capacités hors du commun.

Il a dû falloir une bonne dose de courage et un peu d'inconscience à Waid et à ses responsables éditoriaux pour faire passer ce point de vue et convaincre de sa viabilité. Une fois passée la scène obligatoire de l'explosion de Krypton, Mark Waid déstabilise le lecteur en situant l'action dans un pays fictif d'Afrique. Il établit ainsi clairement l'originalité de sa version. D'un côté son développement sur la reconnaissance d'une ethnie oscille entre le politiquement crédible et la caricature d'un peuple noir un peu arriéré, avec un résultat global acceptable à défaut d'être totalement convaincant. de l'autre côté, le lecteur comprend bien que Clark Kent est à la recherche d'un mode opératoire et que Kobe Asuru constitue un modèle d'engagement altruiste au service des autres.

Il revient Leinil Yu, la lourde tâche de proposer une interprétation visuelle actualisée de l'homme d'acier. La seule évolution qu'il apporte réside dans la taille du S sur la poitrine de Superman. Il met également un point d'honneur à ce que Superman et Clark Kent présente la même carrure, avec une largeur d'épaule très impressionnante, et une grande taille. Ce parti pris a tendance à rendre fortement improbable la préservation de l'identité secrète de Superman, dans la mesure où c'est l'un des rares individus (voire le seul dans le cercle des gens qu'il fréquente) à disposer d'une morphologie aussi imposante.

Leinil Yu et Gerry Aguilan utilisent une esthétique marquée par un encrage appuyé et légèrement anguleux, ce qui confère un caractère adulte à tous les personnages. Ils ont investi du temps pour conférer une personnalité visuelle marquée et cohérente à la technologie de Krypton, qui s'avère plutôt efficace. Yu fait montre d'un sens de la mise en scène réfléchi, que ce soit pour les conversations qui sont visuellement vivantes, ou pour les scènes d'action. Comme beaucoup de ses collègues dessinateurs de comics, les décors l'intéressent peu et le lecteur peut tourner 4 à 10 pages d'affilée sans arrière plan autre qu'un camaïeu de couleurs, ce phénomène allant en s'accentuant au fil des épisodes.

La lecture de la proposition initiale de Mark Waid permet également de découvrir les intentions de l'auteur avec ses propres mots. Cette lecture s'avère très intéressante, tant pour l'explication de ses choix (Superman en tant que personnage principal plutôt que Clark Kent, ou encore les évolutions apportées à Lex Luthor pour s'inspirer librement de Smallville). le lecteur découvre également l'analyse que Mark Waid fait des qualités de Superman, attendues par le lectorat. Loin d'être une liste basique, il justifie en quoi Superman se doit d'être un individu luttant contre le statu quo (représenté ici par Lex Luthor) et obligé de paraître différent de ce qu'il est réellement (= le timoré Clark Kent). Sans cynisme, Waid livre des clefs de compréhension qui éclairent ses choix narratifs.

Pour le héros de fiction récurrent comme Superman, les responsables éditoriaux ont besoin de les dépoussiérer régulièrement, de leur donner un coup de neuf. Cette énième version des origines de Superman respecte le canon du personnage (et reprend la majeure partie des modifications apportées par John Byrne en 1986, à commencer par Ma & Pa Kent toujours en vie), tout en opérant une volte-face concernant la personnalité du héros (= en faisant de Superman, la vraie personnalité, et de Clark Kent le déguisement). La forte personnalité visuelle de Yu et Alanguilan offre au lecteur une vision originale et intéressante, même si elle souffre d'absence très chronique d'environnements étoffés (= pas d'arrière plan). La version développée par Mark Waid propose une interprétation du personnage intéressante, avec un point de vue personnel et cohérent, même s'il subsiste quelques faux pas (un Clark Kent avec des superpouvoirs avant la puberté est source de destructions massives et incontrôlables lors de ses colères). le lecteur amateur du personnage de Superman trouvera son compte dans cette version originale et personnelle, malgré le recours à plusieurs stéréotypes fatigués.
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