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Critique de GeorgesSmiley


« A quelque chose, malheur est bon ». En 1348, la peste noire va, selon les estimations des historiens, anéantir de trente à cinquante pour cent de la population située entre le sud du bassin méditerranéen et le nord de l'Ecosse et de la Scandinavie. le Dorset où se situe l'intrigue des Dernières Heures n'y échappera pas. Au domaine de Develish, quelque part au sud de Blandford, Sir Richard, nobliau aussi ignare et stupide que méchant et cruel s'en va visiter, escortés de ses hommes d'armes, un voisin dont le fils pourrait convoler avec sa fille. Il n'en reviendra pas, victime de la peste noire qui gagne chaque jour du terrain. Sa veuve, Lady Anne, aussi bonne et généreuse qu'instruite et intelligente va devoir organiser la survie de la communauté réunie autour du manoir (disons une ferme fortifiée) en s'appuyant sur sa cervelle et le soutien des serfs qu'elle protégeait jadis des sévices de son défunt mari.
Les catastrophes ont cela de positif qu'elles bousculent souvent les positions établies, pour ne pas dire figées, et qu'elles révèlent des tempéraments et des aptitudes ordinairement brimées ou masquées. Pendant qu'à l'extérieur, les rats pullulent et règnent en maîtres, à l'intérieur les souris, délivrées de leur sinistre seigneur, vont donc apprendre à danser. Dans une aventure « survivaliste » en plein moyen-âge, Minette Walters nous offre un très beau personnage féminin qui va s'élever bien au-dessus de sa condition en brisant ses chaînes pour s'emparer du pouvoir. Et disons que le résultat est excellent. A travers des personnages qui affrontent l'épidémie ou la cruauté des pillards, avec comme arme principale leur intelligence, l'écriture et la lecture, l'auteure nous parle essentiellement de la tentation de la liberté qui va animer, tout au long du roman, la châtelaine et les serfs. Chacun tente d'oublier son statut de meuble pour rêver de liberté. Derrière un gros travail de documentation, décrivant finement les oppositions linguistiques et culturelles entre Angles et « Français », ou bien le rôle de l'Eglise, l'intrigue est vivante pleine de mystères, de complots, de chausse-trappes et de surprises. On ne peut s'empêcher de penser que nous ne sommes tous aujourd'hui que les descendants miraculés des survivants de ces terribles fléaux, passés au travers on ne sait comment. On s'attache à Lady Anne (on lui pardonne volontiers d'être parfois bien en avance sur son temps), on la plaint sincèrement de devoir affronter à l'extérieur la Peste tout en se heurtant à l'intérieur à sa fille, que le plus objectif des observateurs ne pourrait qualifier que de « petite peste », et on lui souhaite de conquérir sa liberté.
« Je préférerais vivre dans la misère qu'être l'épouse d'un second Sir Richard. Et je ne souhaite pas davantage entrer au couvent. Les chaînes de l'Eglise sont aussi solides que celles qui lient les épouses féodales et les serfs. J'aspire à la liberté, et non à une nouvelle servitude. »
Y parviendra-t-elle ? Les serfs la suivront-ils ou la dénonceront-ils, terrorisés par le retour d'un nouveau seigneur ? Pour le savoir, inutile de compter sur les dernières phrases du roman :
« J'entends les enfants s'agiter dans la grande salle et je crains que leurs esprits inquiets ne croient que cette nuit qui n'en finit plus ne soit la messagère de la Mort Noire.
Que ne puis-je leur assurer qu'ils se trompent.»
Il faudra donc attendre la suite de cet excellent roman historique.

Merci à Babelio et aux éditions Robert Laffont pour cette belle découverte.
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