Intuitions, Tome 3 : Infini

Si tu commences à oublier mon visage, ma voix ou n'importe quoi d'autre, ne t'inquiète pas. Rappelle toi juste mon amour. C'est tout ce qui compte.

Je ne sais pas, mais je sais que moi, j'ai connu l'amour dans ma vie et que ça vaut la peine de se battre pour ça. Quitte à en mourir.

Rappelle-toi mon amour. C'est tout ce qui compte.
J'ai gardé son amour. Cela, rien ni personne ne pourra me l'enlever. Même pas la mort.

Ce n'est pas l'endroit qui compte, Sarah, ce sont les gens.

- Saul, je vous en prie ! Laissez Sarah et le bébé tranquilles. Je vous en supplie.
- Comme je l'ai dit, tu es jeune. Tu auras tout le temps d'en faire d'autres.
Autant que tu voudras.
J'en ai froid dans le dos.
- Arrêtez ! Dites pas ça.
- Quoi ? Voilà deux cent cinquante ans que je suis vivant.
Je sais de quoi je parle.

- Et vous en avez oublié d'être humain.
- Parce que tu sais ce que c'est qu'être humain, Adam ?
Je vais te dire, c'est d'abord une question d'intelligence.
De la supériorité sur les animaux. C'est pouvoir l'emporter sur la nature, persister.

Il a sans doute raison, d'une certaine façon. Mais il oublie le principal.
- Et l'amour, Saul ? L'échange avec les autres, le travail, la vie en commun ?
Et la famille, les voisins, les amis ?

Ainsi, Saul veut voir les numéros. S'il me demandait l'effet que ça fait, je pourrais lui répondre, lui dire ce qui m'arrive depuis dix-huit ans.

Regarder tous les jours la mort en face.
Sentir la douleur des autres, leur souffrance.
Savoir que je ne peux rencontrer quelqu'un sans devoir aussitôt penser à ses derniers instants. Même un nouveau-né.

Quand il est allé poser la main sur le ventre de Sarah, je savais ce qu'il pensait. Il l'a bien dit : "Si ce n'est pas toi, Adam, alors qui ?"
Il croyait que ce pourrait être Mia, c'est pour ça qu'il était tellement fâché quand il a compris pour les expériences de Newsome.

Mais à l'instant où il a entendu Sarah dire qu'elle n'était pas de moi, il a changé.
Il s'est complètement désintéressé de Mia.
Maintenant, je vois clairement que Sarah et le bébé sont en danger. Grave.

Les heures de Saul sont comptées. Il pourrait prendre une vie au hasard, mais ce n'est pas ce qu'il veut. Il veut voler une vie qui lui donnera non seulement des années supplémentaires, mais aussi de nouveaux pouvoirs ; et il dispose de quarante-huit heures.

Tout d'un coup, il croit avoir trouvé. On ne sait pas quand le bébé va naître, mais Saul n'attendra pas. Il n'a pas le choix. Sarah n'est pas idiote et elle n'a jamais aimé Saul, seulement elle ne sait pas ce que je sais.

Je me retrouve bientôt dans l'endroit que je redoutais tant, désespérée, face à une nouvelle nuit interminable.
Mais cette fois, c'est autre chose.

J'ai vu de quoi ces gens étaient capables.
Il n'existe pas de loi ici, pas de droits de l'homme.
Seule compte la survie.

[Adam] regarde aussi Mia et paraît frappé au cœur. Ma gorge se serre. Il se prenait pour son père. C'était une pièce du puzzle qu'il avait mal replacée.
Il ne se rappelait plus que ce n'était pas sa fille biologique.

Je me penche vers lui :
- Tu es le seul père qu'elle ait jamais connu, le meilleur qu'elle puisse avoir.

Plus un bruit autour de nous. Tout le monde nous observe.
- Je ne comprends pas, dit Newsome. Qu'est-ce que ça peut faire ?
Tout ce qui nous intéresse, c'est qu'elle peut changer de numéro, non ?
Elle peut en changer. Elle peut les renouveler. Elle peut ... vivre éternellement.

Saul le regarde de travers. Il réfléchit vite, ça se voit. Ses yeux passent d'une personne à l'autre pour finir par se poser sur moi, mais pas sur mon visage, sur Mia, blottie dans mes bras.
- Oui, c'est ça, Newsome, murmure-t-il.
Mais pour je ne sais quelle raison, elle ne l'a fait qu'une fois.
Votre expérience n'a pas marché. Et elle ne voit pas les numéros ...
Elle n'est pas comme Adam.
Je voulais les deux, lire les numéros et les changer.

- VOUS vouliez les deux ?
Saul fait machine arrière.
- Nous. NOUS voulions les deux.
Songez à son pouvoir, si elle possède les deux.
- Dois-je vous rappeler qui est responsable de ce projet ? J'en ai assez de vos interférences.

J'en ai assez, moi aussi. Ces gens sont dingues, complètement dérangés.

[Adam s'adresse à Sarah]
- Je n'ai que dix-huit ans, je me retrouve avec une copine et trois enfants à charge, un bébé en route et pas de maison, pas de nourriture. Et je sais que ça ne s'arrangera pas, mais qu'un jour ça s'arrêtera, parce que je vois la fin de tout et de tout le monde, et que je m'en serais bien passé. Et même ça, ce n'est pas sûr, ça pourrait encore changer. Ca pourrait se terminer dès demain ou après-demain, ou je ne sais quand. Tu crois que ça me fait plaisir ?