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Critique de liredelivre


Finalement, je pense que je vais me mettre au thriller [c'est d'ailleurs le genre qu'affectionne ma maman ^^]... Ou pas :) Mais Reviens-moi donne matière à réflexion pour ceux qui - comme moi - évitent le genre. Rachel Ward signe ici un retour saisissant, avec un thème délicat et très actuel. Il y a quelque chose dans l'intrigue qui nous happe très vite au coeur de l'histoire, qui nous enserre, nous ligote. On suffoque, on étouffe, mais on est incapable de se délivrer, de reprendre un peu d'air. Sauf que manquer d'air n'a jamais été aussi bon !

L'histoire prend place en Angleterre. Carl se réveille sur les bords d'un lac, aux côtés d'une fille et d'un garçon qui lui ressemble étrangement. Amnésique à la suite de cet incident, il comprendra plus tard qu'il s'agissait de son frère et d'une amie. Qu'il s'est passé quelque chose, ce jour-là, sur la berge, quelque chose qui les dépasse tous. Son frère, Neisha et lui. Quelque chose que personne ne pouvait contrôler. Alors qu'il fait petit à petit la lumière sur lui-même et sur les événements qui ont entraînés la mort de son frère, Carl effleure du doigt la vérité et se questionne. Sur son frère. Sur lui. En quête de son identité, il réveillera de vieux souvenirs, de vieilles douleurs et peut-être même quelques fantômes...

Il y a tellement à dire sur ce roman, et en même tant de choses qu'il vaut mieux que vous découvriez par vous mêmes... C'est absolument dingue ! Rachel Ward le signale dès le début de son roman, on parle ici de la mort par noyade, accidentelle ou non - ce qui ne manquera pas de réveiller quelque chose chez quelqu'un. Plus généralement, l'histoire évoque surtout celle de la perte d'un proche, d'un départ trop tôt. le deuil, la culpabilité, la honte, le déni, le besoin de l'autre, le traumatisme, et j'en passe, sont autant de thèmes que le roman aborde avec simplicité, avec finesse. Presque avec respect. L'idée n'est pas de raconter une énième histoire de perte, une énième douleur. Non, ici, il est aussi question de ceux qui restent, de ce qui reste à faire et de tout ce qui est à reconstruire. Reviens-moi est loin d'être une histoire comme les autres...
Très vite, je me suis prise d'affection pour Carl, ce jeune homme paumé et effrayé qui se réveille devant un lac, face à un corps sans vie. Pis, le corps de son frère. Et cette fille à son côté, qui hurle en le voyant. Qui est-elle ? Qui est-il ? Alors qu'il revient chez lui, que les souvenirs lui reviennent, on est encore plus proche de lui. On ne peut que se mettre à sa place, c'est inévitable. Parce qu'on a vécu ce qu'il vit. Même si notre mère n'est pas alcoolique, même si nous n'avons pas été amnésique, nous avons un jour fait face à la perte de quelqu'un. Et tout de suite, cela créé un lien ténu entre Carl et le lecteur. On recouvre avec lui la mémoire, faisant petit à petit la découverte de qui il est. de qui était son frère. Et de qui est la fille qui était à ses côtés au lac, celle qui a hurlé de peur en croisant son regard.
Carl vit dans une maison pleine de souvenirs, à l'aspect peut charmant. Une tâche d'humidité qui ne cesse de grandir dans sa chambre, la chambre qu'il partageait avec son frère. Une pièce qui sent aujourd'hui la moisissure et la misère, la culpabilité et le manque. L'histoire de Carl est déchirante, pas dans le sens où elle nous fait pitié, mais seulement parce qu'elle est touchante, portée par une force incroyable. Sa perte de mémoire, la volonté qu'il met à tenter de replacer les choses, les gestes qu'il a au quotidien pour sa mère. On fond et avec lui, au fil des pages, on se demande qui il est. On s'interroge sur l'incident du lac. Et on doute, on doute terriblement. Parce que plus la lumière se fait, plus on comprend de moins en moins, on a peur d'être sur la mauvaise piste. Peur de connaître la vérité. Et peur de voir comment l'histoire prendra fin. Parce qu'il en faudra forcément une...
C'est ainsi que Reviens-moi nous plonge dans un tourbillon d'émotions, plus intenses les unes que les autres. Les doutes de Carl, les nôtres, la haine, le regret, la peur... Notre coeur est mis à rude épreuve par un courant sans égal, qui nous malmène et nous éprouve tout au long du roman. On se rapproche de Carl, malgré ce qu'on apprend sur lui, ce qu'on découvre de sa personnalité. Malgré ce que son histoire nous fait vivre. Alors qu'on voudrait, qu'une partie de nous voudrait le haïr. Il a les caractéristiques types de l'antihéros. de l'antihéros qui plaît, qui plaît malgré tout.
Force est d'admettre que la plume de Rachel Ward y est pour beaucoup. Tout ce qui se passe dans le roman est décuplé par la force du courant qui habite les pages. Elle nous plonge au coeur d'une intrigue sombre, saisissante, bouleversante et dont on peine à s'extraire. Parce qu'on ne peut pas, parce qu'on ne le veut pas. Comme il est important pour Carl de comprendre qui il est, ce qu'il a fait, il devient vital pour nous de connaître le fin mot de Reviens-moi, de cette histoire gigantesque et entraînante. Oui, c'est ça, par dessus tout, prêt à tout endurer, on veut savoir. Et alors que Carl est sorti du lac, c'est à nous d'y être jetés. Les mots de Rachel Ward nous font manquer d'air, à certains passages, on reprend son souffle en se rendant compte qu'on avait cessé de respirer. Parfois, on cherche l'air, on relève la tête pour trouver la surface. La tension est énorme, au point de nous couper le souffle, de nous asphyxier. Et pourtant, on n'est pas sous l'eau, on n'est pas en train de se noyer. A moins que... il est possible de se noyer dans les mots, dans un livre... C'est ça, justement, on se noie dans Reviens-moi ! On se noie dans les souvenirs, dans les doutes, dans le chagrin de Carl, dans son obsession. On s'étouffe dans la noirceur du roman, dans cette pluie persistante, dans le tumulte de nos émotions. Tout est vif, saisissant, nous touche et nous immerge, avant de nous ramener. Vivants, mais pas sans séquelle.
Je me rends compte que je ne parle pas du tout de l'aspect fantastique, qui occupe une grande part du roman cependant. Mais c'est juste qu'à la lecture, tout a l'air tellement réel. Quand on est en plein dans le roman, on arrive à penser que Carl est loin de perdre la tête lorsqu'il prend peur de l'eau, quand il entend la voix de son frère et croit le voir partout. Cela donne de l'ampleur au roman, une réalité grisante, tant elle est vraie. Alors sommes-nous fous de vouloir croire que Carl voit encore son frère, ou bien Carl est-il fou de le voir encore ?
Et une fois n'est pas coutume avec Michel Lafon, une nouvelle mention pour la couverture, qui m'a laissée bien songeuse une fois le roman fermé. Elle est magnifique et si adéquate à l'histoire de Reviens-moi !

Le thriller n'est pas légion dans la littérature YA et ce petit bijou est un nouveau souffle dans ce domaine, qui ne fera pas de mal ;) Un roman noir et délicat, une histoire de perte et de deuil, qui vous porte à travers les remous, les tumultes de forces qu'on ne peut pas maîtriser. Rachel Ward a su aborder avec brio un sujet large et bouleversant, qui vous touchera à coup sûr.

Lien : http://liredelivres.blogspot..
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