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Critique de CduNord


Ce que j'aime chez Ruth Ware, c'est qu'elle est douée pour créer des personnages féminins qui se retrouvent dans des situations inextricables. Accusées à tort, obligées de mentir sur leur identité, etc.
Dans La Clé du sang (titre bizarre d'ailleurs, pas très incitatif), son héroïne, Rowan, en est l'exemple parfait. La jeune femme de 27 ans, nounou dans une crèche londonienne, quitte ce job et sa chef et ses collègues qu'elle ne peut plus voir en peinture pour un boulot, a priori, de rêve. Elle est recrutée pour être la nourrice de 4 soeurs, des gamines de bonne famille, de 18 mois à 14 ans, dans un manoir isolé en Ecosse (pléonasme, désolée). Nourrie, logée, très bien payée. le hic, car il y en a un bien sûr, c'est qu'elle succède à une série d'employées qui ont toutes, vite, fui cet endroit et cette famille.
Rowan, elle, se croit bien plus maligne. Ce qui va l'amener... en prison, accusée de meurtre.
Et c'est ainsi que commence l'histoire, par des lettres qu'elle écrit à un avocat pour le convaincre de la défendre. Elle est in-no-cen-te bien sûr, et jure de dire "cette fois" toute la vérité, pas comme au précédent. Moui. La construction est très maligne, prenante. Ses premiers essais de contact épistolaire, touchants. Et puis elle écrit la plus loooongue lettre de la Terre, sur ses quelques jours maudits passés avec Les quatre filles de la famille Grant (ça, ç'aurait été du titre !). Une forme d'autoanalyse aussi, dans laquelle, sous forme de questions-réponses à elle-même, la jeune femme cherche à quel moment tout a vrillé. Beau dynamisme du récit, qui évite l'écueil de la linéarité car il n'y a pas de coupures sous forme de chapitres : parfois, même, on l'entend presque nous parler.
Alors qu'est-ce qui cloche là-haut, en Ecosse ? le manoir d'abord. du victorien rénové, à la pointe de la modernité, de la domotique partout (les Grant sont architectes, riches, toujours en déplacement) : tout est contrôlé, lumières, musique , caméras (même dans les chambres), température de l'eau dans la douche, contenu du frigo, par une appli appelée Happy. Flippant. Zéro intimité, les parents voient tout, même partis en colloque. Ce que Rowan ne va pas contrôler, elle, c'est l'hostilité des gamines, qui viendraient même à bout de SuperNanny. Et puis les fantômes, bien sûr. "Ne viens pas ici c'est dangereux. Ils n'aimeraient pas ça", la prévient (la menace ?) une des fillettes. La maison a la réputation d'être hantée, des enfants auraient disparu, seraient morts empoisonnés par les plantes vénéneuses cultivées dans un jardin "clos" dans un coin du vaste parc.
On a beaucoup pensé au Tour d'écrou, classique d'Henry James, en lisant La Clé du sang. Une nurse, des enfants inquiétants, un manoir... Atmosphère gothique malgré la domotique, grâce aux bruits de pas la nuit et aux messages enfantins tracés dans le grenier lui-même dissimulé derrière une porte. Y a t-il vraiment des spectres ? Se joue-t-on de sa naïveté. Qui ? Les parents pervers qui veulent mettre un peu de piquant dans leur vie ? Les gamines insupportables et fusionnelles ? La cuisinière hostile ? L'employé de maison-homme à tout faire, beau, baraqué et terriblement rassurant... au premier abord ?
On est perdu, longtemps, comme dans tout bouquin de Ruth Ware. Elle sait y faire.
Et cette Rowan, nous dit-elle vraiment tout, au fond ? Ne nous raconte t-elle pas ce que tout avocat voudrait lire pour être convaincu de la défendre ? On finit par ne plus savoir quand elle ment, on revient sur nos pas et réinterprète son histoire au fur et à mesure qu'elle déroule (parfois on relève des incohérences, surtout pour une narratrice qui promis-juré cette fois ne ment pas, mais accordons cela à la licence littéraire de l'auteur). Doit-on la détester ou pas ? Après tout, une fillette est morte, cela est indéniable. Par ses soins ou son manque de soin, ça...
L'ultime rebondissement nous fait voir sous un jour encore nouveau toute l'histoire. Celle d'une jeune femme qui l'avait bien dit, que jamais elle ne ferait de mal à ces enfants. Là elle n'a pas menti.
Malin et brillant, peut-être plus encore que les précédents. Hâte de lire le suivant !
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