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Critique de Mimimelie


Juché au sommet d'une montagne, cheveux au vent, l'homme que l'on aperçoit de dos contemple un paysage brumeux qui se perd au loin dans l'infini d'un ciel tourmenté. Parce que le célèbre tableau de Caspar David Friedrich, le Voyageur au-dessus de la mer de nuages (1818), «exprime un rapport de l'homme au monde qui va traverser et façonner deux siècles de représentation du paysage», l'historien de l'art Pierre Wat l'a choisi comme point de départ de son essai. Adoptant la posture du wanderer - le vagabond, celui qui dérive, erre et n'hésite pas à emprunter des chemins de traverse -, convoquant des artistes aussi divers que John Constable, Otto Dix, Anselm Kiefer, Sophie Ristelhueber, Georgia O'Keeffe ou Robert Smithson, l'auteur montre comment la peinture de paysage a, entre le XIXe et le XXe siècle, supplanté la peinture d'histoire pour exprimer les horreurs, les angoisses, mais aussi les croyances de l'humanité.
Avec les Désastres de la guerre (1810-1815), Francisco de Goya utilise le paysage pour dire l'innommable des corps enfouis dans la terre, comme le fera bien plus tard, Zoran Music, rescapé de Dachau, dans ses paysages de «morts et de mourants», témoignant de ce qu'il a vu et vécu. «Le paysage comme désastre, nous dit Pierre Wat, c'est ce qui reste quand tout a disparu : lieu de l'enfouissement et de la trace. Les artistes qui tentent de saisir cela travaillent tels des chasseurs de signes discrets.» Pour parler du génocide des Tutsis au Rwanda, Alexis Cordesse a photographié, vingt ans après la tragédie, les lieux où les crimes furent commis et où la nature avait repris ses droits. Quant à Gerhard Richter, pour parvenir à évoquer la Shoah, il peint quatre grands tableaux, réunis sous le titre Birkenau (2014), réalisés à partir de photos de prisonniers du camp de concentration transposées sur la toile de façon abstraite. «Tout voir est nécessaire, mais, afin de résister au voyeurisme implacable du spectateur, il faut savoir ne pas tout montrer», souligne Pierre Wat dans cet ouvrage interrogeant avec profondeur et sensibilité le travail de mémoire et ses liens avec la création.

Daphné Bétard – Beaux Arts Mai 2018
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