Alice détestait cette histoire. Elle se demandait combien d'esprits impressionnables sortaient de sa présentation convaincus que la clef d'une vie meilleure résidait dans un suicide raté.
On ne prend la fuite que quand on n’a pas pigé la leçon. Une fois qu’on l’a pigée, on peut s’en aller, et si on le veut vraiment, on peut revenir.
Elle détestait la partie de son être qui se délectait de cette attention parce que cela contredisait l’autre partie, celle qui soutenait l’avoir épousé pour sa personnalité complexe, son intégrité artistique et son génie musical. Ce qui était vrai, sauf qu’il n’y avait pas d’amour, pas vraiment, pas du genre qui mûrit au fil du temps, il y avait de l’ardeur, et au début cela lui avait semblé suffisant.
Ils faisaient l’amour, plus souvent qu’auparavant, mais désormais ce n’était plus pareil. Jusque-là, elle atteignait l’orgasme en s’imaginant coucher avec Chick Wolfson ; à présent, elle n’y arrivait plus qu’en se le représentant comme quelqu’un d’autre, n’importe qui. Elle avait passé sa vie à chercher une relation capable de lui offrir précisément ce frisson intense, tout ça pour s’apercevoir que ce qu’elle prenait pour du désir était en réalité de la peur. Qu’être mariée à un homme qui lui faisait battre le cœur plus vite menait à l’anxiété et à l’épuisement.
Sa thèse s’appuyait sur l’idée que, toutes choses égales par ailleurs, si vous deviez choisir entre un pull et une veste, votre choix révélait toute votre personnalité au niveau le plus fondamental, de votre tolérance au risque à vos affinités politiques, de votre appétit sexuel à votre évolution spirituelle.
Il ne s’agit pas de ça. Je crois que je l’ai épousé pour de mauvaises raisons. Je n’arrête pas d’attendre un revirement qui rende la situation tolérable. J’ai l’impression d’avoir commis une terrible erreur, je passe ma vie à attendre qu’il change. Je n’ai aucune envie de partir, mais je ne peux plus rester.