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Critique de CDemassieux


Il existe des romans qui recèlent dans leurs lignes une puissance narrative tellurique. L'île du docteur Moreau est de ceux-là ; ce qui tombe bien puisque l'intrigue se déroule quasi exclusivement sur une île volcanique au milieu du Pacifique…

Par ses diverses adaptations à l'écran, nous connaissons à peu près tous l'histoire de ce savant vivisecteur qui, à partir de matière animale vivante, entend créer des hommes, auxquels il apparaît alors comme un créateur sacré, leur imposant d'oublier leur état premier de bête à travers l'observance de règles strictes que ces « monstres » – nommés ainsi par le narrateur Prendick, débarqué sur l'île après avoir été naufragé et sauvé par l'assistant de Moreau, Montgomery – appellent la Loi.

Le « maître » Moreau est tout entier tourné vers ses abominables recherches, insensible aux souffrances qu'il inflige car, dit-il : « Ceci ou cela est-il possible ? Vous ne pouvez vous imaginer ce que cela signifie pour un investigateur, quelle passion intellectuelle s'empare de lui. Vous ne pouvez vous imaginer les étranges délices de ces désirs intellectuels. La chose que vous avez devant vous n'est plus un animal, une créature comme vous, mais un problème. » On sait ce qu'il en est de ces Prométhée depuis au moins le docteur Frankenstein, si l'on se réfère à la fiction. Pour la réalité, hélas, les camps nazis, entre autres, ont abrité de nombreux docteur Moreau…

Le roman de Wells est d'ailleurs bien plus qu'une effroyable dystopie mettant en scène un savant fanatisé par ses recherches. On peut en effet le lire aussi comme un questionnement sur le conditionnement forcé. Car, oublions un instant ces créatures hybrides – nombre d'entre elles étant effectivement issues d'un mélange chirurgical entre espèces – et la question de la toute-puissance de la science – qui peut à l'occasion s'arroger des pouvoirs qui la dépassent en réalité – et nous verrons alors que L'île du docteur Moreau est une allégorie de la tyrannie où une poignée dirigeante impose sa loi à la multitude qui doit se soumettre sous peine de mort : « Auparavant, elles étaient des bêtes, aux instincts adaptés normalement aux conditions extérieures, heureuses comme des êtres vivants peuvent l'être. Maintenant, elles trébuchaient dans les entraves de l'humanité, vivaient dans une crainte perpétuelle, gênées par une loi qu'elles ne comprenaient pas ; leur simulacre d'existence humaine, commencée dans une agonie, était une longue lutte intérieure, une longue terreur de Moreau. »

Cependant, et le roman l'atteste, la Nature, même contrainte, retrouve toujours son chemin. Celles et ceux qui ont vu Jurassic Park, de Steven Spielberg – adapté de l'excellent roman de Michael Crichton – le savent !

Quant au narrateur, il semble pris d'un grande lucidité en ce qui concerne son retour parmi ses congénères, mais c'est là une remarque de misanthrope, je l'admets…
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